Le Maroc accélère sa transition industrielle en misant sur un levier stratégique : faire des zones industrielles non seulement des moteurs économiques, mais aussi des modèles de durabilité. À l’occasion du premier panel des Industry Meeting Days 2025, aménageurs, industriels, investisseurs et représentants des pouvoirs publics ont débattu d’une ambition partagée : transformer les zones d’activités en écosystèmes responsables et compétitifs.
De la prise de conscience à la structuration collective
En ouverture, Mounir Benyahya, président du Collectif des Zones Industrielles pour l’Environnement (COZINE), a rappelé que cette démarche résulte d’un constat clair : la prolifération de zones industrielles au Maroc ne s’est pas toujours accompagnée d’une gouvernance efficace ni d’une vision écologique. Avec l’appui de partenaires comme la GIZ allemande, la MCC américaine ou encore le ministère de l’Industrie, le COZINE a élaboré un guide de transition vers des zones durables, téléchargeable en ligne, qui fait aujourd’hui référence dans le domaine.
Ce référentiel marocain, inspiré des standards internationaux, pose les bases d’une approche intégrée, liant performance économique, préservation de l’environnement et bien-être social.
Des projets pilotes ancrés dans l’innovation
Parmi les expériences concrètes, le projet ParcX, porté par INNOVX et l’Université Mohammed VI Polytechnique, illustre cette nouvelle génération de zones industrielles à forte valeur ajoutée. Déployé sur plusieurs sites (Jorf Lasfar, Benguerir, Khouribga, Mzinda), ParcX entend créer des écosystèmes intégrés autour de l’énergie verte, de la gestion intelligente de l’eau et de la mutualisation des infrastructures. « Notre ambition est de catalyser des synergies industrielles autour du recyclage, de la valorisation des déchets et du traitement des effluents », affirme Othmane el Yaalaoui, vice-président d’INNOVX.
Pour les industriels, durabilité rime avec compétitivité
Du côté des entreprises, la transition verte est perçue non comme une contrainte, mais comme un levier de performance. Selma Alami, DG de Nexans Maroc, souligne que la compétitivité passe désormais par une réduction de l’empreinte carbone, une logistique de proximité et une efficacité énergétique accrue. Elle plaide également pour une répartition stratégique des infrastructures portuaires tout au long du littoral, permettant à chaque région de se spécialiser et de mieux irriguer son tissu industriel.
Une mobilisation régionale à géométrie adaptée
Les Centres Régionaux d’Investissement (CRI) partagent cette dynamique, chacun avec ses spécificités. Dans l’Oriental, le développement de zones comme la technopole d’Oujda ou l’agropole de Berkane s’inscrit dans une vision de long terme intégrant énergies renouvelables, gestion optimisée de l’eau et recyclage. À Tanger-Tétouan-Al Hoceima, le deuxième pôle industriel du Royaume, l’ambition est claire : toute nouvelle zone doit répondre aux standards écologiques. La certification verte de Tanger Med Zones, alimentée à 100 % en énergies renouvelables depuis janvier 2025, sert désormais de modèle.
Réhabiliter l’existant, un impératif oublié
Si l’avenir est aux zones éco-conçues, l’existant ne doit pas être laissé pour compte. « Nous avons un défi de mise à niveau important », rappelle Mounir Benyahya. Cela implique non seulement des certifications environnementales comme ISO 14001, mais aussi des aménagements sociaux concrets : espaces de détente, crèches, restauration, médecine du travail. « Une zone industrielle ne doit plus être un simple espace de production, mais un véritable lieu de vie. »
Vers une labellisation marocaine incitative
Pour stimuler cette dynamique, les intervenants ont proposé la création d’un label national de durabilité avec plusieurs niveaux — bronze, silver, gold — selon les efforts réalisés. Une idée largement partagée, notamment par ParcX, qui vise les certifications HQE et BRIM dès la conception, et travaille déjà avec l’ONUDI et l’IFC pour intégrer le standard Eco-Industrial Parks (EIP).
L’attractivité en ligne de mire
Au-delà de la dimension environnementale, ces zones durables renforcent l’attractivité du territoire. L’exemple de la gigafactory chinoise pour la fabrication de pales d’éoliennes à Nador illustre comment une offre foncière anticipée et une logistique performante peuvent faire la différence. Dans le Nord, le fonds NordDev permet également de subventionner les projets intégrant une dimension sociale ou écologique, en complément des aides prévues par la Charte nationale de l’investissement.
Une ambition solide, des défis à relever
Si les avancées sont réelles, les participants n’ont pas éludé les obstacles : disponibilité foncière limitée, accès difficile à l’eau et aux énergies renouvelables compétitives, ou encore délais de paiement trop longs. Autant de freins qu’il faudra lever pour faire de cette ambition verte une réalité à grande échelle.
Mais une chose est certaine : le Maroc a tracé son cap. Il ne s’agit plus seulement de construire des zones industrielles, mais de bâtir des territoires durables, résilients et inclusifs. Une mutation que les acteurs publics et privés semblent aujourd’hui prêts à assumer, en misant sur l’innovation, la concertation et l’intelligence collective.