Le Maroc accélère à grande vitesse sur la route de la transition énergétique, en structurant une véritable industrie autour de l’hydrogène vert. Ce qui n’était, il y a encore peu, qu’un pari audacieux, prend aujourd’hui la forme d’une stratégie industrielle cohérente, articulée autour d’une intégration locale forte et d’une ambition affirmée : devenir l’un des principaux fournisseurs d’hydrogène vert à l’Europe d’ici 2050.

Un écosystème intégré et localisé

Avec déjà huit projets lancés représentant une capacité de 26,6 GW et quarante autres en cours d’étude, le Royaume vise une montée en puissance spectaculaire, pouvant porter sa capacité installée entre 130 et 260 GW à moyen terme. Cette dynamique ne se limite pas à la production d’hydrogène en tant que telle. Elle repose sur la création d’un écosystème complet : production locale des composants stratégiques, développement des filières éolienne et solaire, fabrication d’électrolyseurs… Tout est pensé pour renforcer la compétitivité et réduire l’empreinte carbone.

Selon Saïd Guemra, expert en énergie, la production annuelle pourrait atteindre entre 9 et 24 millions de tonnes d’ici 2050, pour des capacités installées allant jusqu’à 550 GW. Un objectif ambitieux, mais soutenu par des fondations industrielles solides.

Baisser les coûts, maîtriser l’impact

Le choix d’une production locale n’est pas qu’économique, il est aussi stratégique. L’intégration industrielle, en particulier dans l’éolien – qui représente une part importante du coût d’investissement –, pourrait permettre de réduire le coût du mégawatt installé de plus de 30%, passant de 1,1 à 0,7 million de dollars. C’est un gain majeur dans une filière où la compétitivité se jouera à la décimale près.

Le Maroc s’appuie sur son savoir-faire éprouvé dans l’automobile, où il a su attirer des géants mondiaux et développer un réseau de sous-traitance performant. Cette expertise en production de masse est aujourd’hui mise à profit pour bâtir la chaîne de valeur de l’hydrogène.

Un projet au service du marché intérieur et de l’export

À long terme, l’écosystème hydrogène vert ne servira pas uniquement à l’export. La demande énergétique du pays, estimée à 110 TWh d’ici 2050, exigera une part croissante de production renouvelable et flexible. L’hydrogène sera donc aussi un outil de souveraineté énergétique.

Et sur le plan environnemental, le Maroc affiche déjà des résultats solides : son hydrogène vert émet moins de 3,38 kg de CO₂e par kilogramme, soit en dessous des normes européennes, et bien mieux que des pays concurrents comme le Chili.

Une vision à concrétiser

Mais pour que cette ambition devienne réalité, plusieurs conditions restent à réunir. Le Royaume devra investir massivement dans la recherche et la formation, produire localement les équipements-clés, structurer des filières industrielles robustes, et mettre en place un cadre réglementaire attractif.

La question de la logistique est également cruciale. Si l’ammoniac reste aujourd’hui le principal vecteur de transport de l’hydrogène, la construction d’un hydrogénoduc marocain relié au projet H2MED via Barcelone pourrait s’imposer comme une infrastructure déterminante pour sécuriser l’export vers l’Europe.

Une ambition au service d’une souveraineté énergétique verte

À la croisée des enjeux économiques, énergétiques et climatiques, le Maroc avance avec méthode vers un futur où il pourrait devenir un acteur central de l’hydrogène vert mondial. Une ambition verte, mais solidement ancrée dans le concret industriel.

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