Le Maroc traverse une crise hydrique sans précédent, marquée par un épuisement accéléré des ressources en eau et une pression croissante sur les secteurs économiques vitaux. Plusieurs études récentes, notamment celles du Centre d’études stratégiques de l’Afrique et du Centre africain des études stratégiques et de la digitalisation, tirent la sonnette d’alarme sur la situation critique du pays. De son côté, la Banque mondiale exhorte le Maroc à investir massivement dans ses infrastructures hydriques pour éviter des répercussions économiques et sociales majeures.
Une raréfaction inquiétante des ressources en eau
Le Maroc est passé d’un état de rareté hydrique à une situation d’extrême tension. Selon les projections, le pays pourrait perdre 30 % de ses ressources en eau d’ici 2050, alors que la disponibilité actuelle par habitant avoisine 606 mètres cubes par an, un chiffre qui devrait chuter sous les 500 mètres cubes dès 2030.
Les conséquences de cette crise sont visibles à plusieurs niveaux :
- Une baisse significative des nappes phréatiques en raison d’une surexploitation qui dépasse les capacités de renouvellement.
- Une dégradation de la qualité de l’eau, accentuée par le rejet massif d’eaux usées non traitées.
- Un envasement des barrages réduisant chaque année la capacité de stockage de 65 millions de mètres cubes.
- Une pression accrue sur l’agriculture et l’industrie, secteurs stratégiques de l’économie marocaine.
La Banque mondiale rappelle que cette situation menace directement la sécurité alimentaire du pays et fragilise son développement économique.
Une gouvernance hydrique en question
Les experts pointent du doigt un modèle de gestion déséquilibré, favorisant les grandes cultures d’exportation et les activités industrielles, au détriment des petits agriculteurs et des zones rurales. La question des transferts interbassins, notamment le projet de dérivation des eaux du Sebou vers Casablanca et Rabat, soulève aussi des interrogations quant à sa viabilité à long terme.
Des solutions technologiques et financières pour un avenir durable
Face à cette crise, plusieurs pistes sont avancées :
- Mise en place d’un programme d’équité hydrique régionale, visant une répartition plus équilibrée des ressources en eau selon les besoins locaux.
- Utilisation des technologies intelligentes : compteurs connectés, intelligence artificielle pour optimiser la distribution, applications mobiles de suivi de la consommation.
- Création d’un Centre national d’intelligence artificielle pour la gestion de l’eau, afin d’anticiper les crises et améliorer la résilience hydrique.
- Recours au waqf (fondation islamique) et à la blockchain pour financer des projets durables.
La Banque mondiale, de son côté, insiste sur l’urgence d’accélérer les investissements dans les infrastructures hydriques, notamment à travers des projets de dessalement et d’irrigation optimisée. Elle appelle également à renforcer la coopération régionale pour favoriser le transfert de technologies et améliorer la gestion des ressources en eau.
Un défi à la croisée de l’économie et de l’environnement
Dans un contexte où la croissance économique régionale reste fragile, la raréfaction de l’eau représente un facteur de vulnérabilité majeur pour le Maroc. Entre adaptation aux changements climatiques, modernisation des infrastructures et réformes de gouvernance, le pays doit engager une transformation rapide et stratégique pour garantir sa sécurité hydrique et son développement durable à long terme.