Alors que les dérèglements climatiques se multiplient à l’échelle planétaire, un nouveau classement mondial vient souligner la vulnérabilité structurelle du Maroc face à ces bouleversements – non pas seulement en termes de risques naturels, mais surtout en ce qui concerne sa capacité à mobiliser les financements nécessaires pour y faire face.
Dans son dernier rapport, la Columbia Climate School, en partenariat avec la Fondation Rockefeller, a dévoilé l’indice CliF (Climate Finance Vulnerability Index), un outil de référence conçu pour mieux évaluer la capacité réelle des pays à anticiper, atténuer et se relever des catastrophes naturelles et crises climatiques. Dans ce classement couvrant 188 pays, le Maroc apparaît à la 124e place, avec un score global de 57,7 – révélateur d’une double fragilité : une vulnérabilité climatique élevée (67,1) et un accès limité aux financements adaptés (48,2).
Une vulnérabilité sous-estimée par les mécanismes d’aide actuels
Le rapport pointe un biais majeur dans les modèles d’aide internationale actuels, souvent fondés sur des critères de revenu comme le PIB par habitant, qui ne tiennent pas compte du niveau réel d’exposition climatique. Résultat : des pays à revenu intermédiaire comme le Maroc se retrouvent dans un angle mort des circuits financiers internationaux, alors même qu’ils sont confrontés à des risques croissants – sécheresses, inondations, stress hydrique ou encore hausse du niveau de la mer.
Cette situation n’est pas isolée. 65 pays sont classés dans la « zone rouge » du classement, c’est-à-dire cumulent une exposition importante aux aléas et une très faible capacité de réponse financière. Parmi eux, 43 sont situés en Afrique subsaharienne, région particulièrement vulnérable et marginalisée en matière d’investissements climatiques. D’autres États fragiles comme le Pakistan, le Bangladesh, Chypre ou encore l’Ukraine complètent cette cartographie mondiale de la précarité climatique.
Un modèle plus juste pour repenser l’action climatique mondiale
Avec cet indice, les chercheurs de Columbia entendent bousculer les approches traditionnelles en introduisant une vision systémique du risque climatique. « Les modèles actuels d’aide ne prennent pas en compte l’endettement massif de certains pays, ni les obstacles qu’ils rencontrent pour accéder aux marchés financiers », souligne Jeff Schlegelmilch, professeur à la Columbia Climate School.
L’objectif est donc clair : permettre une meilleure allocation des ressources, au profit des pays qui, comme le Maroc, font face à une réalité climatique sévère mais disposent de peu de marge de manœuvre pour adapter leurs infrastructures, renforcer leur résilience ou relocaliser leurs populations.
Une menace imminente, des enjeux colossaux
Les projections sont alarmantes. Jusqu’à 14 millions de morts et 12,5 milliards de dollars de pertes économiques pourraient être enregistrés à l’échelle mondiale d’ici 2050 si rien n’est fait, alerte le rapport. La Banque mondiale estime quant à elle que 132 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici 2030, en l’absence d’investissements massifs dans l’adaptation.
Pour le Maroc, cette alerte résonne comme un signal d’urgence. Malgré ses efforts dans les énergies renouvelables ou l’adaptation hydrique, l’accès aux ressources financières internationales reste insuffisant, freinant la mise en œuvre à grande échelle de projets d’adaptation. Ce classement vient donc rappeler que la transition climatique ne se gagne pas uniquement sur le terrain technologique, mais aussi sur celui de l’équité financière.
Le défi est d’autant plus pressant qu’il engage, au-delà du Maroc, l’ensemble des pays du Sud dans une bataille cruciale : celle pour un accès équitable au financement climatique, condition sine qua non pour espérer contenir les effets d’une crise qui frappe déjà les plus vulnérables.