Alors que le Maroc connaît un nouvel épisode de canicule, les experts tirent la sonnette d’alarme sur un phénomène silencieux mais destructeur : l’évaporation massive de l’eau stockée dans les barrages. Chaque jour, ce sont 1,5 million de mètres cubes qui s’évaporent dans l’atmosphère, un volume qui équivaut à la consommation annuelle de plusieurs villes moyennes du pays. En pleine saison estivale, cette réalité met en péril les efforts de reconstitution des réserves réalisés grâce aux récentes précipitations.

Une perte invisible mais colossale

Selon les données du ministère de l’Équipement et de l’Eau, les barrages marocains perdent jusqu’à 547 millions de mètres cubes d’eau par an par évaporation. Dans certains cas extrêmes, cette perte représente un quart des volumes stockés. Une situation jugée « très préoccupante » par Charafat Afilal, ancienne ministre déléguée chargée de l’Eau, qui souligne que l’impact de la chaleur est d’autant plus fort selon la configuration des bassins et la nature des sols.

Un constat partagé par l’expert en environnement Said Chakri, qui rappelle que ces pertes interviennent alors même que plusieurs régions sont déjà confrontées à une pression hydrique élevée. L’évaporation n’est donc plus un simple dommage collatéral, mais un facteur aggravant du stress hydrique structurel que connaît le pays.

Une réponse technologique : les panneaux solaires flottants

Pour contrer ce phénomène, une solution fait son chemin : l’installation de centrales solaires flottantes sur les plans d’eau des barrages. Cette technologie, adoptée dans plusieurs pays asiatiques et européens, permettrait non seulement de réduire l’évaporation, mais aussi de produire de l’énergie propre, tout en améliorant l’efficacité énergétique des panneaux grâce à la fraîcheur de l’eau.

Une expérience pilote est déjà en cours dans le nord du Maroc. À Tanger Med, une centrale solaire flottante de 13 mégawatts est en construction sur le barrage de Oued Rmel. Elle devrait entrer en service au second semestre 2025 et alimenter en électricité verte l’ensemble du complexe portuaire.

Un projet ambitieux mais coûteux

Les avantages de cette technologie sont nombreux : double usage énergétique et hydrique, optimisation de l’espace, baisse des pertes en eau, et limitation de la prolifération des algues grâce à l’ombrage créé. Toutefois, son coût reste élevé : 20 à 30 % de plus qu’une centrale solaire terrestre classique. Des défis techniques sont également à relever, notamment en matière de structures flottantes résistantes, de gestion des variations de niveaux et de maintenance.

Une urgence nationale

Dans un contexte de réchauffement climatique et de sécheresses à répétition, le Maroc n’a d’autre choix que d’innover pour préserver ses ressources hydriques. Les solutions comme les panneaux solaires flottants ne peuvent être envisagées isolément. Elles doivent s’inscrire dans une stratégie globale de sécurisation de l’eau, intégrant la sobriété hydrique, la réutilisation des eaux usées, l’optimisation de l’irrigation agricole, et l’adaptation des infrastructures aux nouvelles réalités climatiques.

En somme, l’évaporation n’est plus une fatalité. C’est désormais un défi technologique, économique et écologique que le Maroc se doit de relever de manière concertée et ambitieuse.

Avec Le360

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