Sous l’effet du dérèglement climatique, le Maroc affronte un stress hydrique sans précédent. Pour préserver sa sécurité alimentaire et hydrique, le Royaume s’oriente résolument vers l’exploitation de ressources non conventionnelles comme le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées ou encore une redéfinition des cultures.
Un tournant stratégique assumé
Après six années consécutives de déficit pluviométrique, les signaux sont au rouge : les barrages peinent à remplir leur mission, les nappes phréatiques s’épuisent, et l’agriculture – principal secteur consommateur d’eau – vacille. Pour faire face, Rabat a engagé une transformation en profondeur de sa politique de l’eau, avec un investissement massif de 143 milliards de dirhams dans le cadre du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation.
Ce virage repose sur une approche multisource et durable, où les solutions alternatives deviennent incontournables. Le dessalement, longtemps écarté pour son coût énergétique, connaît aujourd’hui un renouveau grâce aux énergies renouvelables.
Le dessalement, nouvel axe fort
Déjà 15 stations sont en service, produisant 192 millions de m³ par an, mais le Royaume voit plus grand : 1,7 milliard de m³ à l’horizon 2030, soit 40 % de l’eau potable consommée. Casablanca accueillera d’ailleurs la plus grande unité de dessalement d’Afrique, intégralement alimentée par le solaire et l’éolien, avec une capacité de 822.000 m³/jour, dont 50 millions de m³ réservés à l’agriculture.
Mais les experts appellent à la prudence : ces technologies, aussi prometteuses soient-elles, ne suffisent pas. La solution passe par une gouvernance rigoureuse de l’eau, un soutien ciblé aux filières sobres, et un recentrage sur l’essentiel : produire mieux, plutôt que plus.
Changer les cultures pour sauver l’eau
Certaines pratiques agricoles sont désormais pointées du doigt, à commencer par les cultures trop gourmandes en eau comme la pastèque, l’avocat ou les agrumes. Présente dans des régions déjà frappées par la sécheresse, la pastèque est au cœur d’un débat national. Accusée d’assécher les nappes pour alimenter les marchés européens, elle fait désormais l’objet de restrictions dans des zones comme Zagora ou Tata.
Pour Najib Akesbi, économiste, « il faut adapter les choix de cultures à la réalité des ressources disponibles ». Cela implique non seulement une relocalisation des productions, mais aussi une remise à plat des subventions et des priorités agricoles, pour privilégier des filières de première nécessité et à faible impact environnemental.
Vers une agriculture sobre et intelligente
Le défi est immense, mais le Maroc n’a plus le choix. Il s’agit moins d’une réforme que d’une mutation structurelle du modèle agricole : passer d’une logique de surconsommation à celle de résilience, d’innovation et de sobriété. En cela, l’agriculture marocaine de demain devra être plus flexible, plus responsable et plus en phase avec les contraintes naturelles.
Avec FNH