Alors que la transition vers une industrie bas carbone s’accélère à l’échelle planétaire, le Maroc tire son épingle du jeu. Un rapport du Partenariat Mission Possible (PMP), relayé par Reuters et Mining.com, révèle que le Royaume figure désormais parmi les principaux bénéficiaires des premiers grands flux de financements alloués aux matériaux décarbonés. Le pays capte une part notable d’un marché en pleine structuration, où 250 milliards de dollars ont déjà été engagés, même si ce montant reste loin des 1.600 milliards nécessaires pour enclencher une transformation industrielle globale.
Un rôle central dans le « nouvel hémisphère industriel »
Le Maroc, aux côtés d’autres pays émergents comme l’Indonésie, fait partie de ce que le rapport qualifie de « nouvel hémisphère industriel mondial ». Ces États concentrent désormais près de 60 % de la chaîne d’investissement pour les projets encore en quête de financement. Un tournant stratégique qui reflète une bascule du pouvoir industriel, jusque-là dominé par les économies occidentales. À titre de comparaison, les États-Unis ne représentent que 18 % des projets futurs, l’Union européenne 10 %, et la Chine 6 %.
Ce rééquilibrage s’explique par des conditions énergétiques plus favorables : abondance d’électricité verte, stabilité des réseaux et coûts de production plus compétitifs. Des critères désormais décisifs pour l’implantation de nouvelles usines à haute intensité énergétique, selon Faustine Delasalle, directrice du PMP et membre de l’Accélérateur de Transition Industrielle (ATI), créé à la COP28 de Dubaï.
L’ammoniac vert et l’acier bas carbone en ligne de mire
Parmi les filières jugées stratégiques pour cette transition, l’ammoniac vert occupe une place centrale. Utilisé pour la fabrication d’engrais, mais aussi de carburants propres dans l’aviation, ce composé fait l’objet d’un intérêt croissant de la part des investisseurs. Le Maroc, déjà bien positionné dans le secteur des engrais via le groupe OCP, pourrait devenir un acteur clé de cette nouvelle chaîne de valeur, à condition d’attirer les financements nécessaires à la conversion industrielle.
Dans la sidérurgie, le rapport recense trente-trois aciéries déjà alignées sur l’objectif de neutralité carbone. Mais ce sont quatre-vingt-dix autres projets, en attente de financement, qui détermineront l’avenir de ce secteur. L’industrie de l’aluminium n’est pas en reste, avec quarante-quatre projets lancés et cent soixante-cinq encore dans les cartons.
Un appel au sursaut des bailleurs de fonds
Pour que cette bascule industrielle se concrétise, le PMP appelle à une mobilisation massive des acteurs financiers publics et privés. Faute de quoi, avertit l’organisation, le système industriel mondial restera prisonnier des technologies fortement émettrices héritées du XXe siècle.
Le Maroc, fort de sa politique proactive en matière d’énergies renouvelables, de sa stabilité institutionnelle et de ses ambitions industrielles affirmées, pourrait jouer un rôle pivot dans cette transformation globale. Encore faut-il que les flux d’investissement suivent. Les prochaines années seront décisives pour savoir si le Royaume parviendra à consolider son statut de hub industriel décarboné au sein de ce nouvel ordre économique en gestation.
Avec Barlamane