Depuis le 2 décembre, le Palais de la Paix aux Pays-Bas réunit des représentants de près d’une centaine de pays et de douze entités internationales autour d’un procès inédit : définir les obligations des États face au changement climatique. Pendant deux semaines, la Cour internationale de justice (CIJ) examinera les arguments des parties avant de rendre, en 2025, un avis consultatif qui pourrait profondément influencer le droit climatique mondial.
Un moment clé pour les générations futures
Ralph Regenvanu, envoyé spécial pour le changement climatique au Vanuatu, a qualifié cette procédure de « tournant dans la lutte mondiale contre le changement climatique ». En jeu, des réponses cruciales : quelles responsabilités les États ont-ils, en vertu du droit international, pour protéger l’environnement des émissions de gaz à effet de serre ? Et quelles sont les conséquences juridiques pour les États en cas de manquement à ces obligations ?
Si l’avis de la CIJ ne sera pas contraignant, son autorité morale et légale pourrait servir de guide aux tribunaux nationaux et internationaux, donnant aux pays du Sud une occasion unique de faire entendre leur voix sur un pied d’égalité avec les grandes puissances, souvent dominantes dans d’autres instances comme les COP.
Une mobilisation initiée par des jeunes du Pacifique
Cette affaire trouve son origine dans une initiative de 2019, menée par des étudiants de l’université du Pacifique-Sud et élargie en une coalition mondiale : World’s Youth for Climate Justice. Soutenue par 130 États, leur campagne a conduit, en mars 2023, à une résolution historique de l’Assemblée générale des Nations unies demandant l’avis de la CIJ.
Des débats houleux et des enjeux globaux
Alors que des nations insulaires comme Antigua-et-Barbuda appellent à des décisions fortes, d’autres, comme l’Arabie Saoudite ou l’Australie, plaident pour limiter les obligations légales liées au climat. Les grands producteurs d’énergies fossiles et les pays historiquement responsables des émissions s’opposent fermement à une judiciarisation du débat climatique.
La CIJ pourra toutefois s’appuyer sur des précédents récents, comme la décision du Tribunal international du droit de la mer affirmant les obligations des États contre la pollution marine liée au climat, ou encore le jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant la Suisse pour son inaction climatique.
Vers une justice climatique renforcée ?
Cette procédure pourrait offrir une base juridique solide pour poursuivre les États en cas de dommages climatiques. « Un avis ambitieux serait une boussole essentielle », estime Joie Chowdhury, experte en droit environnemental. Pour les pays du Sud et les défenseurs de la justice climatique, c’est un espoir de briser l’inertie politique et de donner un nouvel élan à l’Accord de Paris.
Alors que la Chine, les États-Unis et la France s’expriment cette semaine, le monde entier attend de voir si ce procès historique permettra enfin d’ancrer la lutte climatique dans le droit international.