Les géants de l’automobile peuvent souffler. L’Union européenne vient d’officialiser un assouplissement de la norme CAFE, initialement conçue pour contraindre les constructeurs à réduire rapidement leurs émissions de CO₂. Un changement de calendrier qui leur épargne, du moins pour l’instant, les lourdes sanctions financières prévues dès cette année.
Cette décision, validée par les États membres, repousse l’évaluation des performances environnementales sur une période de trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d’une année unique. Ce recul stratégique de Bruxelles intervient après des mois de pression intense exercée par les industriels, qui dénonçaient l’irréalisme des exigences européennes.
Pour les constructeurs, ces pénalités représentaient une menace colossale : jusqu’à 16 milliards d’euros d’amendes en cas de non-respect. Ils estiment pourtant avoir fourni les efforts nécessaires en matière d’électrification de leurs gammes, pointant du doigt la frilosité des acheteurs vis-à-vis des véhicules 100 % électriques.
En toile de fond, la Commission européenne dit vouloir relancer la dynamique des ventes de voitures à batterie. Un objectif désormais inscrit dans un plan d’action plus global, présenté par Ursula von der Leyen, qui mêle soutien industriel et ambitions climatiques. Mais cet allègement réglementaire alimente les critiques sur un éventuel renoncement aux objectifs verts.
Il faut dire que le contexte politique européen a changé. Depuis les élections de 2024, marquées par une poussée des partis conservateurs et un recul des Verts, plusieurs politiques climatiques sont réexaminées à l’aune des réalités économiques. Pour autant, Bruxelles affirme maintenir le cap d’une interdiction des voitures thermiques neuves dès 2035.
Ce revirement partiel marque aussi le retour en force du lobby automobile, longtemps marginalisé depuis le scandale du Dieselgate. Fort de cette victoire, le secteur espère désormais infléchir d’autres réglementations. Mais tous les acteurs ne sont pas alignés : certaines marques comme BMW ou Stellantis se montrent réticentes à toute remise en cause du calendrier initial.
La question d’un traitement différencié pour les véhicules compacts, jugés essentiels à une mobilité abordable, s’invite également dans le débat. Des dirigeants tels que Luca de Meo (Renault) ou John Elkann (Stellantis) plaident pour une révision du cadre normatif afin de permettre la production de petites voitures rentables et accessibles.
Cette revendication fait écho à une réalité bien tangible : le prix des véhicules ne cesse de grimper. Selon une étude récente, le coût moyen d’une voiture neuve a augmenté de 66 % entre 2001 et 2021 en Europe. Les réglementations successives, souvent conçues pour des modèles haut de gamme, sont pointées du doigt pour leur contribution à cette inflation.
Face à cette accumulation de normes techniques et environnementales, parfois qualifiée de « millefeuille réglementaire », les industriels appellent à une simplification et une adaptation. Ils réclament désormais des règles pensées pour une industrie automobile plus équilibrée, capable de concilier impératifs écologiques, compétitivité et accès pour le plus grand nombre.