Alors que la transition écologique s’impose comme un impératif planétaire, le Maroc et l’Union européenne renforcent leur coopération autour de la croissance verte. À l’occasion de la troisième édition du Carrefour Vert, Matilde Ceravolo, cheffe de la section économie-environnement à la délégation de l’Union européenne au Maroc, détaille les ambitions, mécanismes et projets concrets qui incarnent ce partenariat stratégique. De la mise en place du CBAM à l’appui aux PME marocaines, l’Europe multiplie les leviers pour faire émerger une économie décarbonée.
Une coopération qui dépasse le financement
Présente au Carrefour Vert, l’Union européenne y intervient en tant que cofinanceur d’un programme mené par cinq agences onusiennes. Un engagement cohérent avec la stratégie climatique de Bruxelles, fondée sur la conviction que la prospérité économique doit aller de pair avec la préservation des ressources naturelles. « Nous voulons favoriser une économie plus durable, génératrice d’emplois verts et de qualité, surtout pour les jeunes », explique Matilde Ceravolo. L’objectif : concilier développement et transmission d’une planète vivable aux générations futures.
Mais l’action de l’UE au Maroc dépasse largement le soutien budgétaire. « C’est d’abord une vision politique », rappelle-t-elle, basée sur le dialogue stratégique, la coopération technique, puis la mise en œuvre de projets concrets.
CBAM : plus qu’une taxe, un mécanisme de justice climatique
Parmi les dossiers clés du moment figure le CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism), souvent qualifié à tort de « taxe carbone ». Matilde Ceravolo tient à rectifier : « Ce n’est pas une taxe sur tous les produits importés, mais un mécanisme d’équilibrage qui vise à éviter les délocalisations industrielles motivées uniquement par la volonté d’échapper aux règles environnementales de l’UE. »
Le CBAM entrera pleinement en vigueur en 2026, mais une phase transitoire a déjà démarré en janvier 2025. Les entreprises concernées doivent désormais déclarer leurs émissions carbone, sans paiement pour l’instant. Le Maroc, qualifié de partenaire stratégique, participe activement à cette phase en tant qu’observateur, siégeant aux réunions d’experts pour mieux comprendre le dispositif et faire entendre ses préoccupations.
Ceravolo insiste sur la pédagogie déployée à Rabat ces deux dernières années pour clarifier le fonctionnement du CBAM. « Seules certaines industries sont concernées. L’agriculture, par exemple, n’est pas couverte et ne le sera pas, car elle n’entre pas dans le périmètre du système ETS européen. »
Parallèlement, l’idée d’un mécanisme carbone propre au Maroc fait son chemin. Un projet de taxe carbone nationale a même été évoqué dans le cadre du projet de Loi de Finances 2025, avant d’être reporté. Pour l’UE, il s’agirait d’un levier vertueux : « Cela permettrait de garder les revenus générés au Maroc, tout en envoyant un signal clair à l’économie », affirme-t-elle, tout en saluant la prudence des autorités marocaines face à une réforme aussi structurante.
Agriculture durable, énergies renouvelables, économie circulaire : les piliers du partenariat
Les projets d’appui européens couvrent un spectre large, aligné sur la vision verte du Maroc. Dans l’agriculture, le programme « Terre verte », doté de 115 millions d’euros, vient soutenir la stratégie « Génération Green » du ministère de l’Agriculture. Il accompagne la transition écologique du secteur, de la production à la transformation.
Dans l’énergie, le programme Nassim appuie le développement de l’éolien, tandis que d’importants fonds sont mobilisés pour renforcer le réseau électrique national afin d’accueillir plus d’énergies renouvelables. « Nous voulons garantir aux entreprises un accès à une énergie moins carbonée, moins coûteuse, et plus stable », résume Ceravolo.
Dernier-né de la série, le programme « Économie verte », validé par la Commission européenne pour un montant de 88 millions d’euros, met l’accent sur la décarbonation industrielle, l’économie circulaire et la réutilisation des ressources. Il vise à structurer des filières où les déchets redeviennent des matières premières.
Des dispositifs concrets pour les PME marocaines
L’action de l’UE touche aussi directement les entrepreneurs à travers des mécanismes accessibles via les banques partenaires telles que Bank of Africa, Crédit du Maroc ou Société Générale. L’idée ? Accompagner les entreprises qui souhaitent s’engager dans des démarches écoresponsables : achat d’équipements moins énergivores, réduction du plastique, installation de systèmes de recyclage…
Ces programmes incluent des subventions à l’investissement, une assistance technique pour construire des business plans solides, des conseils en gouvernance, et même des garanties financières. « Nous sommes là pour sécuriser les prises de risque », explique Ceravolo. Autant d’outils destinés à transformer les ambitions écologiques en opportunités économiques tangibles.
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