En 2025, le Maroc a franchi un seuil stratégique majeur dans sa transition énergétique. La part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables a dépassé 46 % du mix électrique national, selon les données présentées par la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leïla Benali, devant la Chambre des conseillers. Cette progression marque une reconfiguration rapide et profonde du système énergétique marocain, qui s’accompagne d’investissements massifs dans les réseaux, d’une refonte du cadre juridique et d’une transformation des opérateurs publics, avec en ligne de mire l’objectif de 52 % d’électricité renouvelable à l’horizon 2030.
Un changement d’échelle du système électrique
La montée en puissance des filières solaire, éolienne et hydraulique a permis au Maroc d’augmenter la contribution des énergies renouvelables de plus de 9 points en quelques années. Plus de 1.700 MW de nouvelles capacités propres ont été récemment mis en service, portant la puissance électrique installée totale à environ 12 GW, dont 5,6 GW issus des énergies renouvelables.
Cette dynamique confirme l’inflexion stratégique opérée par le Royaume, qui vise non seulement à réduire sa dépendance aux énergies fossiles importées, mais aussi à sécuriser son approvisionnement électrique dans un contexte de volatilité des marchés internationaux de l’énergie.
Réseaux électriques et programmation financière ambitieuse
La ministre a souligné que cette transition ne peut être dissociée d’un renforcement massif des infrastructures de réseau. Depuis 2023, les investissements consacrés au transport et à la distribution de l’électricité ont été multipliés par cinq, afin d’assurer la capacité d’absorption, la stabilité et la flexibilité nécessaires à l’intégration croissante des énergies intermittentes.
Le Plan électrique national 2023-2027, récemment approuvé, prévoit l’ajout de 15 GW de nouvelles capacités de production sur cinq ans, dont 12,4 GW provenant des énergies renouvelables, soit près de 80 % des capacités nouvelles. La mise en œuvre de ce programme mobilise une enveloppe globale estimée à 120 milliards de dirhams, traduisant un effort financier inédit au service de la sécurité énergétique et de la décarbonation du mix électrique.
Réformes juridiques et modernisation de la gouvernance
Parallèlement aux investissements physiques, le Maroc engage une refonte progressive de son cadre réglementaire et institutionnel. Leïla Benali a mis en avant la révision de la loi relative aux énergies renouvelables et de celle encadrant l’autoproduction d’électricité, ainsi que le lancement de la certification d’origine de l’électricité verte. Ce dispositif vise à permettre aux producteurs et aux entreprises de prouver le caractère renouvelable de l’électricité consommée, un levier stratégique pour renforcer la compétitivité des produits marocains sur les marchés soumis à des exigences climatiques croissantes.
Concernant l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), la ministre a évoqué une réforme d’envergure destinée à renforcer son efficacité et sa transparence. Celle-ci repose notamment sur la séparation comptable de ses activités, la réorganisation de la distribution via les sociétés régionales multiservices et l’étude en cours portant sur sa transformation en société anonyme. À l’horizon 2030, plus de 27 milliards de dirhams sont programmés pour les investissements dans le réseau électrique, consolidant le rôle central de l’ONEE dans la transition énergétique.
Secteur minier : sécurité, attractivité et souveraineté
Le « grand oral » de la ministre a également mis en lumière une restructuration profonde du secteur minier, désormais intégré à la stratégie de souveraineté économique et énergétique du Royaume. Les réformes engagées visent à améliorer la gouvernance de la filière, renforcer la sécurité des travailleurs et accroître l’attractivité des investissements.
Parmi les mesures annoncées figurent l’introduction de la carte du travailleur minier, destinée à garantir les droits sociaux et prévenir les accidents, la création d’une commission nationale des minerais stratégiques, ainsi que la transformation prévue de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) en société anonyme afin de fluidifier le financement et accélérer l’exploration. L’adoption récente de la déclaration de Marrakech constitue, par ailleurs, un premier cadre africain de gouvernance du secteur minier.
Environnement et économie circulaire : un nouveau cadre en préparation
Sur le plan environnemental, la ministre a annoncé l’achèvement prochain d’un nouveau projet de loi sur la gestion des déchets, fondé sur les principes de l’économie circulaire. L’évaluation du programme national des déchets ménagers 2008-2022 a mis en évidence les limites d’un modèle reposant principalement sur l’enfouissement, générateur de risques environnementaux et de pollution des nappes phréatiques.
Le futur cadre juridique privilégiera la collecte sélective, le tri à la source et la valorisation des matières réutilisables, y compris dans les filières industrielles et minières, avec l’obligation d’intégrer ces principes dans tout projet bénéficiant d’un soutien public.
Une recomposition globale de l’action publique
Au-delà des indicateurs énergétiques, l’intervention de Leïla Benali révèle une recomposition plus large de l’économie politique du Royaume. La transition énergétique devient un principe structurant de l’action publique, reliant énergie, industrie, ressources naturelles et environnement dans une trajectoire cohérente.
En consolidant la part des énergies renouvelables, en modernisant ses réseaux, en réformant ses opérateurs publics et en redéfinissant la gestion de ses ressources, le Maroc se dote d’une capacité accrue de résilience, de sécurisation des investissements et d’anticipation des mutations globales. Cette approche intégrée vise à inscrire la croissance nationale dans une temporalité longue, fondée sur la discipline institutionnelle, la valorisation raisonnée des ressources et la soutenabilité économique et environnementale.
Avec Barlamane



