À Marrakech, où l’histoire de la ville est intimement liée à l’eau, le 19ᵉ Congrès mondial de l’eau a ouvert ses travaux sur un constat sans équivoque : les engagements internationaux liés à l’ODD 6 accusent un retard généralisé. Ministres, représentants de l’ONU, dirigeants d’organisations internationales et experts ont souligné l’urgence d’un changement profond, estimant que seule une combinaison d’innovations technologiques et de décisions politiques ambitieuses permettra d’éviter une crise globale irréversible.

Une crise multidimensionnelle devenue réalité

Dès la séance inaugurale, le président de l’Association internationale des ressources en eau, Yuanyuan Li, a rappelé l’ampleur des défis. Selon lui, les pressions climatiques et socio-économiques rendent aujourd’hui la situation plus critique qu’il y a trois décennies. L’eau, a-t-il rappelé, n’est pas seulement une ressource mais un élément constitutif de l’identité des sociétés et un facteur vital de survie.

Cette réalité se retrouve dans les contradictions mises en lumière par l’envoyée spéciale de l’ONU pour l’eau, Retno L. P. Marsudi. Elle a évoqué le cas d’un village indonésien où l’accès à l’eau potable nécessite des heures de marche quotidienne. Ce type d’exemple illustre que les solutions techniques existent, mais que leur déploiement dépend d’une meilleure coordination, de compétences adaptées et de choix politiques assumés. Pour elle, l’eau doit être intégrée de manière transversale aux agendas du climat, de la biodiversité et de la paix.

L’expérience marocaine : une transition tournée vers la production

Face à cette situation mondiale, le Maroc a présenté une stratégie structurée autour d’un objectif majeur : garantir sa souveraineté hydrique. Le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a expliqué que le pays est passé d’une gestion des déficits à un modèle visant à produire davantage d’eau.

Cette transformation repose sur plusieurs leviers complémentaires :

  • Un recours massif au dessalement, avec un objectif de 1,7 milliard de m³ de capacité d’ici 2030, alimenté par les énergies renouvelables.
  • L’intégration des technologies de pointe, notamment l’intelligence artificielle pour détecter les fuites via des compteurs intelligents en milieu urbain.
  • Des solutions innovantes, comme les panneaux solaires flottants au-dessus des barrages, à la fois pour réduire l’évaporation et produire l’énergie nécessaire.
  • La mise en place du “Nexus Eau–Énergie renouvelable–Alimentation”, soutenu par les contrats de nappe imposant une utilisation contrôlée des eaux souterraines.

La sobriété hydrique, un pilier incontournable

Si la technologie occupe une place centrale, les intervenants ont insisté sur la nécessité d’accompagner la production par une transformation des usages. Le président du Conseil mondial de l’eau, Loïc Fauchon, a défendu une approche équilibrée qui inclut une gestion plus rigoureuse de la demande. Il a rappelé que la sobriété constitue une part essentielle du progrès, notamment dans des secteurs très consommateurs comme l’industrie et les centres de données.

Il a également attiré l’attention sur la question de l’assainissement, longtemps négligée, appelant à un véritable renouveau et à une mobilisation internationale. Il a annoncé la création d’un Centre international dédié aux eaux non conventionnelles associées aux énergies renouvelables, qui sera installé au Maroc.

La volonté politique, clé de voûte de la réussite

Au-delà des technologies et des changements de comportements, l’ONU a insisté sur le rôle déterminant de la décision politique. Retno Marsudi a exhorté les participants à assumer leurs responsabilités pour éviter que l’époque actuelle ne devienne celle « qui avait les preuves mais n’a pas agi ». L’eau, ont rappelé plusieurs intervenants, est un lien fondamental entre les peuples, les générations et les objectifs de développement.

Cette édition marquera un tournant, car elle appelle à un engagement renouvelé pour faire de l’eau un vecteur de prospérité partagée.

Un retour historique au Maroc après Rabat 1991

Organisé du 1ᵉʳ au 5 décembre 2025 sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Congrès de Marrakech rassemble chercheurs, décideurs, organisations internationales, acteurs privés et représentants de la société civile autour du thème «L’eau dans un monde qui change : innovation et adaptation». L’événement s’inscrit dans une dynamique globale reliant l’eau aux enjeux de l’énergie, de l’alimentation, de la santé et de la préservation des écosystèmes.

Il fait également le pont avec les grands rendez-vous internationaux à venir, dont la Conférence des Nations unies sur l’eau 2026, le World Water Forum 2027 et les prochaines COP sur le climat et la biodiversité. Plus de trente ans après Rabat 1991, cette nouvelle édition vient prolonger l’engagement du Maroc en faveur d’une gestion durable de la ressource hydrique et contribue au débat mondial sur l’adaptation face aux pressions croissantes sur l’eau.

Avec Le Matin

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