La Chine illustre à elle seule le paradoxe énergétique mondial. Le pays déploie ses panneaux solaires et ses éoliennes à une vitesse inégalée, mais continue simultanément de multiplier les projets de centrales à charbon. Cette dualité place Pékin au cœur des débats climatiques internationaux, sa politique énergétique influençant directement la trajectoire des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Les chiffres sont éloquents : la Chine a ajouté plus de capacités renouvelables en un an que l’ensemble des États-Unis. Pourtant, au premier semestre 2025, elle a également renforcé ses infrastructures charbonnières. En 2024, le pays représentait 93 % des nouvelles constructions de centrales à charbon dans le monde, selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA). Cette approche répond à une stratégie connue sous le nom de « construire avant de démanteler » : maintenir les centrales traditionnelles opérationnelles tant que les énergies renouvelables ne peuvent pas couvrir l’intégralité de la demande.

Les autorités chinoises restent marquées par les pénuries électriques de 2021 et 2022, qui avaient été amplifiées par des prix élevés, la demande croissante et des conditions climatiques extrêmes. Pour éviter les coupures et garantir la stabilité économique, elles privilégient l’ajout de capacités au charbon, une démarche qualifiée de « réflexe bureaucratique » par Lauri Myllyvirta, cofondateur du CREA. Cette prudence permet également de sécuriser l’approvisionnement énergétique des régions industrielles tout en limitant les risques politiques.

Malgré cette dépendance au charbon, la demande d’électricité chinoise reste le moteur principal de cette stratégie. Les nouvelles capacités renouvelables ont suffi à couvrir la croissance de la demande au premier semestre 2025, mais beaucoup d’entreprises continuent de considérer le charbon comme rentable, d’autant que les grandes installations renouvelables sont souvent éloignées des métropoles, rendant le transport de l’énergie complexe et coûteux.

La transition énergétique chinoise doit également composer avec la fin des tarifs d’achat garantis pour les renouvelables, qui étaient un levier essentiel pour soutenir le développement du solaire et de l’éolien. Les nouvelles installations seront désormais soumises aux mécanismes du marché, alors que la demande d’électricité verte reste insuffisante pour maintenir un rythme élevé d’expansion. Pékin entend toutefois imposer aux entreprises une part minimale d’énergie renouvelable et vise 3.600 gigawatts de capacité éolienne et solaire d’ici 2035, un objectif ambitieux mais insuffisant pour couvrir totalement la croissance de la demande.

Le charbon supplémentaire ne signifie pas forcément une hausse immédiate des émissions. Aujourd’hui, les centrales chinoises fonctionnent en moyenne à seulement 50 % de leur capacité, tandis que le secteur des énergies propres — solaire, éolien, nucléaire, hydroélectricité et véhicules électriques — est devenu un moteur économique stratégique, contribuant à 10 % du PIB chinois en 2024, un record. Pour les experts, ce développement économique justifie l’optimisme prudent : la Chine poursuit sa transition tout en ménageant la stabilité de son approvisionnement énergétique et la croissance de son économie.

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