La mode est-elle devenue universellement responsable ? Pas tout à fait. Si la prise de conscience mondiale autour de l’impact social et environnemental du secteur ne cesse de croître, les comportements des consommateurs restent profondément marqués par les différences culturelles et économiques.

C’est la principale conclusion d’une étude menée par deux chercheurs, Fabian Bartsch (Montpellier Business School) et Thi Thanh Huong Tran (Skema Business School), qui ont analysé les réactions des consommateurs face aux fautes morales des marques dans douze pays, de l’Europe à l’Asie du Sud-Est.

Une conscience éthique mondiale… mais à deux vitesses

Partout dans le monde, les scandales liés aux grandes enseignes – exploitation ouvrière, publicité discriminatoire, pollution textile – suscitent de vives réactions. Qu’il s’agisse de Levi’s, Zara, H&M ou Shein, les critiques sur les réseaux sociaux se multiplient, poussant les marques à verdir leurs discours et à afficher leurs engagements.
Mais cette indignation n’a pas la même intensité selon les régions du monde.

Dans les marchés occidentaux (Europe, États-Unis, Australie…), les régulations strictes et la pression sociale favorisent une attitude intransigeante : le consommateur « éthique » n’hésite pas à boycotter une marque accusée d’abus. Les campagnes #Boycott ou #WhoMadeMyClothes y trouvent un écho massif.

À l’inverse, dans les pays émergents d’Asie du Sud-Est (Vietnam, Indonésie, Malaisie…), la situation est plus nuancée : le prix reste un facteur déterminant, et beaucoup de consommateurs ferment les yeux sur les pratiques discutables tant que les produits restent abordables.

Des valeurs influencées par les institutions locales

Selon la théorie institutionnelle, rappelée par les auteurs, les comportements éthiques sont façonnés par les normes sociales, les croyances et le cadre légal propre à chaque société. Ainsi, les pays où la justice sociale et l’activisme citoyen sont ancrés réagissent plus fortement aux dérives des entreprises.
L’étude met ainsi en évidence une fracture éthique entre les sociétés occidentales et asiatiques : les premières condamnent, les secondes rationalisent.

Quand l’éthique rencontre la réalité du pouvoir d’achat

Cette différence de sensibilité se traduit dans la consommation : en Europe, un scandale moral peut détruire une marque ; en Asie, il est souvent perçu comme un « détail » face à des contraintes économiques.
Cependant, les chercheurs observent un changement générationnel : la jeunesse asiatique, plus connectée et informée, commence à exiger davantage de transparence. Les campagnes éducatives et les labels éthiques gagnent du terrain.

Le défi des marques mondiales

Pour les grandes enseignes, le message est clair : l’éthique est devenue un argument commercial incontournable, mais elle doit s’adapter aux réalités locales.

  • En Occident, il s’agit d’afficher une politique ferme en matière de droits humains, de durabilité et de responsabilité sociale.
  • En Asie, l’enjeu est d’éduquer progressivement les consommateurs à ces notions, sans renoncer à l’accessibilité.

La clé du succès ? Miser sur la transparence, la traçabilité et la cohérence des actions, plutôt que sur le simple marketing vert.

Vers une éthique mondiale ?

Les mentalités évoluent, lentement mais sûrement. Certaines pratiques – travail forcé, discriminations, pollution extrême – sont désormais universellement rejetées.
Le défi pour les marques est donc de conjuguer responsabilité globale et adaptation culturelle : une équation complexe, mais indispensable dans un monde où le consommateur n’est plus seulement un acheteur, mais un juge moral.

Avec theconversation.com

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