Le Maroc franchit une nouvelle étape dans sa participation à la chaîne de valeur des batteries. Le groupe canadien Falcon Energy Materials, coté à la Bourse de Toronto, a officialisé le 20 mai un partenariat stratégique avec la société marocaine FluorAlpha pour installer à Jorf Lasfar une unité dédiée à la fabrication de matériaux actifs pour anodes.

Ce projet industriel, structuré en deux phases, commencera par une unité pilote dont la construction est attendue au deuxième trimestre 2025. Elle servira à produire 100 kg par jour de graphite sphéronisé purifié (CSPG), un composant clé des batteries lithium-ion. À terme, une unité industrielle de grande capacité prendra le relais, avec une production annuelle estimée à 25 000 tonnes de CSPG.

L’accord prévoit que FluorAlpha, déjà implantée dans la zone industrielle de Jorf Lasfar, approvisionnera la future usine en acide fluorhydrique anhydre (AHF), indispensable au traitement du graphite. Ce produit chimique est dérivé de l’acide fluorosilicique (AFS), lui-même issu de la production d’engrais phosphatés, une spécialité nationale. Le fluor est ici extrait à partir des roches phosphatées, dont le Maroc détient des réserves parmi les plus importantes au monde.

En parallèle, FluorAlpha développe ses capacités industrielles en construisant deux nouvelles lignes de production à Jorf Lasfar, prévues pour entrer en service en 2026. Elles devraient générer chaque année 20 000 tonnes d’AHF et 30 000 tonnes de fluorure d’aluminium (AlF₃), alimentant ainsi les industries des semi-conducteurs, du stockage d’énergie et du solaire.

Pour garantir un approvisionnement stable en matière première, Falcon Energy Materials prévoit de s’appuyer sur son gisement de graphite à Lola, en Guinée, tout en complétant ses besoins par des concentrés provenant d’autres fournisseurs. En parallèle, des partenariats techniques ont été conclus avec les sociétés chinoises Hensen Graphite et Shanghai Shanshan, spécialisées dans les technologies d’anodes, afin d’assurer la qualité et la conformité du graphite transformé.

L’implantation de cette unité sur le sol marocain n’est pas anodine sur le plan géopolitique. Grâce à l’accord de libre-échange entre le Maroc et les États-Unis, le site de Jorf Lasfar pourrait profiter des avantages fiscaux prévus par l’Inflation Reduction Act (IRA), notamment dans un contexte de tensions commerciales croissantes avec la Chine. Washington envisage en effet d’imposer des droits antidumping très élevés — jusqu’à 721 % — sur les anodes naturelles et synthétiques chinoises.

Au-delà de ses ambitions industrielles, cette coopération renforce le positionnement du Maroc comme plateforme incontournable pour les matériaux critiques de la transition énergétique, tout en réduisant sa dépendance aux importations de composés fluorés. Un pas de plus vers une souveraineté industrielle verte et stratégique.

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