Le Maroc s’enfonce dans une crise hydrique sans précédent. Un rapport international publié par le Centre américain de mitigation de la sécheresse, dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, tire la sonnette d’alarme : si rien ne change, le Royaume pourrait connaître une pénurie d’eau extrême d’ici 2050. Une perspective inquiétante qui impose des choix stratégiques urgents pour l’avenir du pays.
Un climat de plus en plus aride
Déjà en proie à six années consécutives de sécheresse, le Maroc voit les indicateurs virer au rouge. Les précipitations deviennent de plus en plus rares, et les températures battent des records. Janvier 2024 a ainsi enregistré des pics de chaleur inédits, jusqu’à 37 °C, accompagnés d’un déficit pluviométrique de 57 %. Résultat : les barrages sont presque à sec, avec un taux de remplissage moyen tombé à 25 %, et le niveau du barrage Al Massira – deuxième du pays – oscille entre 1 et 2 %.
Cette aridité a conduit à des mesures drastiques : interdiction du lavage des voitures, fermeture partielle des hammams, arrosage de jardins prohibé… Des restrictions qui pourraient devenir la norme si la situation continue à se détériorer.
L’agriculture en première ligne
Le secteur agricole, qui représente environ 35 % de la population active, est l’un des plus durement touchés. La sécheresse affecte non seulement les cultures, mais aussi l’élevage. En 2023, juste avant l’Aïd al-Adha, les prix de la viande ont explosé, poussant le gouvernement à quintupler les importations de bétail et suspendre les droits de douane. En avril 2024, la production agricole avait déjà chuté de 20 %, et les prévisions de l’UE tablaient sur une baisse de 30 % des rendements de blé et d’orge. Le nombre de moutons, lui, a chuté de 38 % depuis 2016.
Vers une dépendance au dessalement
Pour pallier la crise, le Maroc mise désormais massivement sur le dessalement de l’eau de mer. Pas moins de 11 nouvelles usines sont prévues entre 2024 et 2025, en plus de 23 unités mobiles déjà en service. Mais cette stratégie a un coût : le Royaume importe 90 % de ses besoins énergétiques, rendant cette solution structurellement fragile à long terme.
Parallèlement, le gouvernement expérimente des méthodes alternatives, comme l’ensemencement des nuages, qui aurait permis une hausse des précipitations de 4 % et une amélioration de 20 % des rendements agricoles sur la période 2021-2023.
L’heure des choix
Avec 645 m³ d’eau disponibles par habitant et par an, le Maroc est déjà bien en dessous du seuil de stress hydrique mondial. D’ici 2050, ce chiffre pourrait chuter à 500 m³, basculant le pays dans la catégorie des pays en situation de pénurie d’eau extrême. À titre de comparaison, certains pays riches en eau dépassent les 10 000 m³ par habitant.
Face à cette trajectoire alarmante, le rapport international appelle à des mesures d’adaptation urgentes : meilleure gouvernance, systèmes d’alerte précoce, réutilisation des eaux usées, implication citoyenne, coopération régionale… Le Maroc est à la croisée des chemins. S’adapter ou subir. Agir ou se dessécher.
Le défi est immense, mais il n’est pas hors de portée – à condition que la mobilisation soit à la hauteur de l’enjeu.