Dans la région de Chtouka-Aït Baha, au sud d’Agadir, l’eau dessalée s’impose comme un rempart essentiel contre la sécheresse. Grâce à elle, les exploitations agricoles, notamment les géants de la tomate cerise comme le groupe Azura, parviennent à maintenir leur activité face à un climat de plus en plus aride. Mais ce recours vital soulève des questions économiques et écologiques de plus en plus pressantes.
Depuis 2022, la station de dessalement de Chtouka alimente en eau 12.000 hectares de cultures et assure également la fourniture en eau potable pour 1,6 million de personnes. À horizon 2026, sa capacité devrait atteindre 400.000 m³ par jour, selon l’Office régional de mise en valeur agricole.
Cette ressource a permis d’éviter, selon les autorités, une perte annuelle estimée à plus de 860 millions d’euros et la disparition de plus d’un million d’emplois dans la région. Mais elle reste hors de portée des petits exploitants, à cause de son coût élevé : cinq dirhams le mètre cube, soit cinq fois plus que l’eau conventionnelle.
« On ne serait plus là sans cette eau », confesse Abir Lemseffer, DG adjointe du groupe Azura, illustrant la tension entre rentabilité et survie. Une tension partagée par d’autres agriculteurs comme Mohamed Boumarg, qui a pu tripler ses surfaces cultivées grâce à l’accès à l’eau dessalée.
Mais la solution miracle n’est pas sans limites. En plus de son coût énergétique élevé, elle génère des rejets de saumure en mer, une préoccupation pour certains spécialistes de l’environnement, malgré les affirmations officielles assurant l’innocuité du dispositif.
Utilisable uniquement pour des cultures à forte valeur ajoutée, l’eau dessalée contribue à préserver le leadership agricole du Souss, région qui pèse pour 85% des exportations marocaines de légumes frais. Mais elle laisse en suspens une question cruciale : peut-on bâtir une souveraineté alimentaire sur une solution aussi coûteuse et énergivore ?
Avec AFP