À Rabat, la transition écologique du continent africain a franchi une nouvelle étape. Du 19 au 23 mai 2025, la capitale marocaine a accueilli la toute première Académie régionale PAGE (Partenariat pour l’action en faveur de l’économie verte) dédiée à l’Afrique. Cette rencontre de haut niveau a rassemblé sept pays africains — dont le Sénégal, le Rwanda ou encore l’Afrique du Sud — autour d’un défi commun : comment financer une économie verte, inclusive et durable.

Un événement fondateur pour la coopération verte

Portée par cinq agences onusiennes (ONUDI, PNUE, PNUD, OIT et UNITAR), cette Académie s’est inscrite dans le cadre de la Semaine de la Synergie verte. Elle marque une volonté claire de décloisonner les savoirs et d’institutionnaliser le dialogue Sud-Sud autour de la transition écologique. À travers cette initiative, l’Afrique affirme sa capacité à penser ses propres politiques environnementales et à les mettre en œuvre collectivement.

Le Maroc, fer de lance de la transformation verte

Le choix du Maroc comme pays hôte ne doit rien au hasard. Le Royaume, qui figure dans le top 10 mondial de l’Indice de performance en matière de changement climatique 2025, est souvent cité comme modèle régional. Fort d’une capacité installée en énergies renouvelables de 5,5 GW — soit 45,6 % de son mix énergétique — et d’un plan d’investissement de 12 milliards de dollars pour atteindre 15,6 GW supplémentaires d’ici 2030, il s’impose comme un véritable laboratoire de la transition énergétique en Afrique.

Mohamed Ouahmid, secrétaire général au ministère de la Transition énergétique, a souligné la stratégie marocaine fondée sur trois axes : développement massif des renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique et intégration régionale. Objectif affiché : atteindre 52 % de part d’énergies vertes dès 2028.

Des finances climatiques au centre des préoccupations

La principale difficulté soulevée par les participants reste la question du financement. Comment permettre à des pays à ressources limitées d’opérer une transition juste, sans sacrifier les priorités sociales ? Pour Sam Mugume, représentant de la Coalition des ministres des Finances pour l’action climatique, la transition verte doit garantir des conditions de vie dignes pour tous. Il plaide pour une bascule des initiatives pilotes vers des politiques nationales robustes, soutenues par des cadres budgétaires intégrant les enjeux climatiques.

L’Académie a exploré une large palette de solutions financières à travers six modules thématiques : budget public, financement privé, fiscalité verte, marchés du carbone, financement sectoriel et inclusion des PME. Cette diversité traduit la complexité d’un chantier où se croisent exigences techniques, contraintes budgétaires et impératifs sociaux.

Un apprentissage hybride et inclusif

Avant même la rencontre physique, les participants avaient suivi deux semaines de formation en ligne, fondée sur quatre modules autoguidés. Cette approche hybride visait à maximiser les échanges tout en démocratisant l’accès au savoir. Plus de 70 représentants issus de différents secteurs ont pu profiter de cet espace unique de co-apprentissage.

L’un des axes forts de l’Académie a été l’attention portée aux microentreprises, aux femmes et aux populations vulnérables. Les discussions ont intégré systématiquement la question du genre et de l’équité territoriale, confirmant que la transition ne peut être ni durable ni juste si elle exclut.

Un carrefour des idées et des pratiques

Loin de se limiter à des sessions formelles, l’Académie a fonctionné comme un véritable creuset d’innovations et d’échanges. Les « masterclasses » ont permis d’approfondir des sujets stratégiques, tandis que les moments informels ont favorisé la création de réseaux durables entre acteurs publics, privés et associatifs.

Sanae Lahlou, représentante de l’ONUDI au Maroc, a salué « une convergence inédite d’expertises au service d’une Afrique plus verte ». Elle a également mis en avant la vocation de l’Académie à inspirer la mise en place de politiques publiques à grande échelle, fondées sur l’apprentissage entre pairs et la mutualisation des bonnes pratiques.

Vers une architecture verte panafricaine

Cette première édition a surtout permis d’amorcer une réflexion sur la transformation des systèmes financiers actuels. L’objectif : bâtir une nouvelle architecture capable de soutenir durablement les ambitions africaines en matière de croissance verte. Cela implique, entre autres, des plateformes de coordination, des fonds spécialisés et des instruments innovants adaptés aux réalités du continent.

Le rôle des universités et des centres de formation a également été mis en lumière. Un parcours pédagogique spécifique leur a été réservé, témoignant de leur importance stratégique pour diffuser à large échelle les compétences nécessaires à la transition.

Une dynamique à inscrire dans la durée

Avec cette Académie, le Maroc confirme son positionnement en tant que hub continental de la coopération verte. La philosophie de l’événement — horizontalité, partage, autonomisation — préfigure les nouvelles méthodes de gouvernance environnementale sur le continent. À travers des partenariats concrets, comme le projet du corridor atlantique, le Royaume donne une portée stratégique à cette dynamique.

Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour les prochaines éditions, qui devront transformer l’élan de cette première rencontre en actions pérennes à l’échelle du continent.

Avec Le Matin

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