À l’heure où la COP30 vient de rappeler l’urgence d’un modèle industriel bas-carbone, le Maroc se retrouve au pied d’une transformation incontournable : faire de l’économie circulaire un véritable moteur de compétitivité. La table ronde organisée par SUEZ Maroc le 25 novembre a mis ce besoin en pleine lumière, avec une question centrale : comment passer d’expériences éclatées à un modèle industriel cohérent capable de sécuriser les ressources et de soutenir la souveraineté économique ?
Ce débat a réuni décideurs publics, industriels et experts, sous la modération de Doha Lkasmi. D’emblée, Abdellatif Maâzouz a souligné le rôle des territoires dans cette transition : les déchets doivent être considérés comme des ressources locales susceptibles d’alimenter des écosystèmes productifs performants. Un constat qui renvoie à une réalité plus large : malgré des initiatives pionnières, notamment dans l’automobile, l’économie circulaire reste encore loin d’être un réflexe national.
La discussion a longuement porté sur ce décalage entre ambitions et pratiques. Aujourd’hui, la majorité des déchets industriels suit un parcours linéaire — produire, utiliser, éliminer — sans intégration réelle dans les chaînes de valeur. Les projets existants reposent surtout sur des engagements volontaires, sans cadre réglementaire incitatif ni traçabilité structurée. Pour Mohamed Bachiri, la bascule ne s’opérera que si les solutions deviennent rentables et faciles à intégrer dans les process industriels, un point de vue largement partagé par Mehdi Sahel, qui rappelle que la mobilité durable ne peut être décarbonée sans circularité dans toute la chaîne d’approvisionnement.
La question de la souveraineté industrielle est vite apparue comme un enjeu majeur. Le Maroc a réussi à se positionner comme plateforme automobile mondiale, mais reste dépendant des fournisseurs étrangers pour les composants de base. Réduire cette dépendance passe par l’intégration locale des matières premières transformées, un domaine où la circularité peut jouer un rôle clé. Les exemples existent déjà, comme le partenariat entre Renault et Maghreb Steel, qui a permis de réinjecter des déchets métalliques dans la production locale, avec un gain économique et environnemental à la clé.
Reste un verrou majeur : la réglementation. La loi 28-00 classe les matériaux issus de la production comme « déchets », un statut qui impose des contraintes lourdes en matière de transport, traçabilité et stockage. Cette qualification freine leur réutilisation industrielle. Plusieurs intervenants, dont Mohamed Oulkhouir, plaident pour un statut intermédiaire, comme celui de « sous-produit », afin de favoriser la circulation et la valorisation des matières sans alourdir les procédures.
Malgré ces freins, le pays se distingue déjà. Le Maroc figure parmi les leaders mondiaux en écologie industrielle, juste derrière le Danemark et le Royaume-Uni. Mais cette avance peut se réduire rapidement. Les normes européennes en matière d’empreinte carbone vont imposer une refonte des chaînes d’approvisionnement mondiales : un produit non circulaire sera de moins en moins compétitif. L’économie circulaire devient alors une condition d’accès aux marchés internationaux.
La table ronde organisée par SUEZ Maroc délivre ainsi un message clair : l’avenir industriel du pays dépendra de sa capacité à adapter son cadre juridique, structurer des modèles économiques viables, encourager des synergies entre secteurs et passer enfin du pilotage expérimental à une industrialisation de la circularité. Une transition qui n’est plus une option, mais une étape indispensable pour préserver la compétitivité du Maroc.
Avec Le360


