Faiblesses de la gouvernance, retards des initiatives, absence de synergies entre les acteurs publics et privés, et objectifs non atteints dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique… Tels sont les principaux constats dressés par la Cour des comptes sur la Stratégie énergétique nationale 2009-2030 (SEN). Bien que des progrès aient été réalisés, notamment dans l’ouverture au secteur privé et le renforcement partiel de la régulation, les ambitions de transition énergétique restent éloignées. La Cour appelle à une réforme urgente et structurante pour combler les lacunes identifiées et répondre aux enjeux croissants de sécurité énergétique et de durabilité.
Une gouvernance fragmentée
La Cour des comptes souligne que la planification énergétique s’est essentiellement concentrée sur le secteur de l’électricité, avec l’élaboration de plans d’équipement liés à la production et au transport de l’énergie électrique. Toutefois, d’autres aspects cruciaux, tels que la sécurité d’approvisionnement, l’efficacité énergétique et la diversification des sources d’énergie, ont été négligés. « Une vision holistique de la planification énergétique est indispensable », insiste la Cour.
De plus, les instances de gouvernance des établissements et entreprises publics (EEP) du secteur de l’énergie se réunissent de manière irrégulière. Par exemple, le conseil d’administration de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) n’a tenu que cinq réunions entre 2010 et 2023, contre 28 prévues par la loi.
La contractualisation entre l’État et les EEP reste également limitée. Depuis le lancement de la SEN, seul l’ONEE a conclu deux contrats-programmes avec l’État : le premier pour la période 2008-2011 et le second pour 2014-2017.
Progrès et retards dans la régulation
Depuis 2009, le secteur de l’électricité s’est progressivement ouvert au privé grâce à la loi n°13.09 sur les énergies renouvelables. En 2016, la régulation a été renforcée par la loi n°48.15, qui a institué l’Autorité nationale de régulation de l’électricité. Cependant, d’autres secteurs, tels que le gaz et les produits pétroliers, nécessitent également des instances de régulation pour améliorer leur compétitivité.
Retards systématiques
La part des énergies renouvelables dans le mix électrique est passée de 32 % en 2009 à 40 % à fin 2023, en deçà de l’objectif de 42 % fixé pour 2020. Ce retard est attribué à l’achèvement tardif de certains projets et aux capacités limitées du réseau de transport d’électricité. En outre, le transfert des projets d’énergies renouvelables de l’ONEE à MASEN, prévu pour septembre 2021, n’était toujours pas finalisé à fin septembre 2024.
Options inexploitées
La Cour des comptes note également que les options stratégiques comme l’électronucléaire et la biomasse demeurent à un stade embryonnaire. Quant à l’efficacité énergétique, aucune des stratégies nationales élaborées en 2014 et 2019 n’a été approuvée, freinant ainsi leur mise en œuvre.
Dans le secteur des hydrocarbures, les réserves de produits pétroliers restent inférieures au seuil de 60 jours, atteignant seulement 32 jours pour le gaz, 37 jours pour l’essence et 31 jours pour le gaz butane en 2023. En termes de diversification, seul un nouveau point d’entrée a été créé depuis 2009, au port de Tanger Med.
Enfin, le secteur du gaz naturel souffre du manque d’une stratégie claire. Malgré plusieurs initiatives lancées depuis 2011, aucune n’a abouti.
Avec L’Opinion