Alors que l’Union européenne revoit à la baisse ses ambitions en matière de durabilité, la Chine s’empare de ses principes pour structurer son propre cadre réglementaire. Une situation qui pourrait fragiliser la compétitivité des entreprises européennes, rapporte Future of Sustainability dans un article signé Thomas Guyot.
Un modèle chinois inspiré… de l’Europe
Depuis plusieurs mois, les débats autour du Pacte Vert et de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) agitent les sphères politiques européennes. L’objectif initial était d’imposer un reporting extra-financier plus strict aux entreprises, mais face aux pressions économiques et industrielles, Bruxelles semble vouloir alléger ses exigences. Pendant ce temps, Pékin avance discrètement mais sûrement.
Comme le souligne Future of Sustainability, la Chine a lancé ses propres standards de durabilité, les China Sustainability Disclosure Standards (CSDS). Après une première consultation en mai 2024, les normes de base ont été publiées en décembre dernier. Leur adoption restera volontaire dans un premier temps, avant de devenir obligatoire entre 2026 et 2030, selon la taille des entreprises.
Fait notable : ces standards s’inspirent largement des modèles internationaux, notamment de la CSRD européenne et des recommandations de l’ISSB (International Sustainability Standards Board). L’un des principes clés repris par la Chine est celui de la double matérialité, un concept qui impose aux entreprises d’évaluer à la fois l’impact des enjeux ESG sur leur performance financière et l’influence de leurs activités sur l’environnement et la société. Ironie du sort, cette notion est aujourd’hui remise en question par l’Union européenne elle-même.
L’Europe recule, la Chine se prépare
Selon Future of Sustainability, Pékin justifie cette initiative par un double objectif : répondre aux attentes croissantes en matière de transparence et renforcer la compétitivité de ses entreprises. Loin d’être une contrainte, ces nouvelles normes sont perçues comme un atout stratégique permettant aux entreprises chinoises d’anticiper les exigences des marchés internationaux et d’attirer plus facilement des financements étrangers.
De leur côté, les entreprises européennes pourraient voir la CSRD allégée, mais cela ne signifie pas pour autant un avantage compétitif. Elles devront rapidement s’adapter aux standards internationaux les plus exigeants si elles veulent rester compétitives à l’international. Plus encore, celles qui souhaitent commercer avec la Chine devront se conformer aux exigences du CSDS, sous peine de voir leur accès au marché chinois fortement restreint.
Un scénario déjà vu
L’article de Future of Sustainability met en garde contre une répétition des erreurs du passé. L’Europe, qui avait pourtant ouvert la voie sur des industries vertes comme le photovoltaïque ou la voiture électrique, s’est déjà retrouvée marginalisée face à la montée en puissance de ses concurrents. Aujourd’hui, en assouplissant ses règles environnementales, elle risque de se saborder une fois de plus, laissant à la Chine l’opportunité de s’imposer comme le leader du reporting durable.