Dans un contexte de transition énergétique accélérée, le Maroc se distingue comme un acteur stratégique dans le remodelage des relations énergétiques entre l’Afrique du Nord et l’Europe. Grâce à des investissements massifs dans les énergies renouvelables et l’ammoniac vert, le Royaume se positionne non seulement pour assurer son autosuffisance énergétique, mais aussi pour devenir un exportateur clé vers l’Europe. Une transformation qui pourrait bouleverser les équilibres géopolitiques et économiques du bassin atlantique.
Dans un entretien accordé au Policy Center for the New South, en marge des Atlantic Dialogues, le professeur Michaël Tanchum, chercheur principal au Middle East Institute à Washington DC, décrypte les enjeux et impacts de cette révolution énergétique.
Un Hub Énergétique entre l’Afrique et l’Europe
Le Maroc ambitionne de devenir un leader mondial des énergies renouvelables. Son expertise est déjà reconnue à l’international, notamment à travers le projet Xlinks, qui fournira 8 % de l’énergie du Royaume-Uni. Mais au-delà de l’électricité, le Maroc développe une industrie de l’ammoniac vert, un vecteur énergétique essentiel pour le transport maritime de l’énergie renouvelable.
En parallèle, le pays renforce son rôle de plateforme énergétique régionale. Il a déjà conclu des partenariats avec Rotterdam, Hambourg et la Namibie pour assurer l’acheminement de l’énergie verte africaine vers l’Europe.
L’Ammoniac Vert : Un Atout Stratégique
L’un des piliers de cette transition est la production d’ammoniac vert, qui permet de transporter l’énergie renouvelable sous forme liquide. Cette technologie est particulièrement stratégique pour le groupe OCP, qui vise à devenir neutre en carbone d’ici 2040 et à remplacer ses besoins en ammoniac fossile par une alternative verte d’ici 2030.
Le Maroc, exportateur majeur d’engrais vers l’Afrique et l’Amérique latine, pourrait ainsi révolutionner l’agriculture mondiale en réduisant drastiquement l’empreinte carbone des engrais.
En parallèle, le pays investit dans des usines de dessalement alimentées par des énergies renouvelables, comme celle en construction à Casablanca, la plus grande d’Afrique. Cette approche intégrée répond aux défis énergétiques et hydriques tout en ouvrant de nouveaux marchés d’exportation.
Un Impact Social et Économique Majeur
Au-delà des considérations énergétiques, cette transition constitue une opportunité de développement économique et social. Les industries vertes créent des emplois qualifiés, notamment dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques ou la production d’énergies propres.
De plus, le déploiement d’infrastructures énergétiques en zones rurales pourrait réduire les inégalités territoriales, facilitant l’accès à l’électricité et à l’eau potable pour des millions de personnes.
Un Leadership Marocain en Construction
Avec cette stratégie, le Maroc ne se contente pas d’adopter les énergies renouvelables : il redéfinit la carte énergétique mondiale et renforce son influence dans le bassin atlantique. Comme le souligne le professeur Tanchum, cette transition ne relève plus du potentiel, mais bien du pouvoir : qui prendra les devants ? Qui s’adaptera ? Qui sera laissé pour compte ?
Dans cette course aux énergies vertes, le Maroc semble bien placé pour devenir l’un des grands gagnants de la transition énergétique, avec un impact décisif sur la coopération euro-africaine et le développement durable mondial.
Avec Le Matin