Face à une crise hydrique qui s’installe dans la durée, le Maroc renforce sa stratégie d’accès à l’eau potable en pariant sur le dessalement de l’eau de mer. Alors que le pays vit sa septième année consécutive de déficit pluviométrique, les autorités multiplient les projets d’usines de dessalement pour tenter de sécuriser les besoins en eau, tant pour la consommation domestique que pour l’agriculture.
À ce jour, 17 stations sont déjà en service sur le territoire. Quatre nouvelles sont en cours de construction, et un nouveau programme prévoit la mise en place de neuf unités supplémentaires. Objectif affiché : porter la capacité de production à près de 2 milliards de mètres cubes d’eau dessalée par an à l’horizon 2030. Une réponse massive à une sécheresse qui, de saison en saison, fait reculer le niveau des barrages, comme celui d’Abdelmoumen près d’Agadir, devenu emblématique du stress hydrique national.
Mais si le dessalement apparaît comme une solution incontournable dans un pays aride, elle soulève aussi des enjeux environnementaux majeurs. Le procédé est extrêmement énergivore. À l’échelle mondiale, les quelque 20 000 unités existantes sont largement alimentées par des énergies fossiles, aggravant les émissions de gaz à effet de serre. Une contradiction pour un pays qui tente justement de s’adapter aux dérèglements climatiques.
Pour contourner cet écueil, le Maroc mise sur ses atouts en matière d’énergies renouvelables, notamment dans les provinces du Sud. Une ligne électrique de plus de 1 000 kilomètres est en projet pour acheminer cette électricité verte jusqu’aux installations de dessalement. Mais ce pari technologique et logistique reste à concrétiser.
Autre défi : l’impact écologique direct sur les océans. Le processus rejette dans la mer des eaux hyper salines chargées en produits chimiques, un cocktail nuisible à la faune marine et qui affaiblit la capacité des océans à absorber le dioxyde de carbone. Ce qui, paradoxalement, pourrait renforcer le phénomène de réchauffement que le dessalement cherche à compenser.
Entre urgence hydrique et impératifs écologiques, le Maroc marche donc sur une ligne de crête. Le dessalement s’impose par nécessité, mais sa généralisation devra s’accompagner d’une vigilance accrue sur ses effets secondaires.
Source LFI