Une étude scientifique internationale, publiée dans l’International Journal of Hydrogen Energy, ouvre une nouvelle voie pour le développement énergétique du Maroc. Pour la première fois, elle modélise de manière exhaustive la capacité de production d’hydrogène vert via l’éolien offshore le long des côtes marocaines, combinant données historiques, modélisation physique et projections climatiques. Cette recherche jette ainsi les bases d’une stratégie énergétique ambitieuse et adaptée aux réalités du terrain.
L’étude s’appuie notamment sur les données ERA5 fournies par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), couvrant la période 1981-2020 et mesurées à 100 mètres d’altitude. Quatre types d’éoliennes marines, allant de 3 à 8 MW — dont la puissante Vestas V164-8.0 MW — ont été évalués. En croisant les courbes de puissance des turbines avec le rendement des électrolyseurs (60 à 70 % d’efficacité), les chercheurs ont pu estimer précisément la production d’hydrogène vert pour chaque site étudié.
Le sud atlantique marocain, notamment la région de Dakhla, se démarque comme la zone la plus prometteuse. Avec une vitesse moyenne annuelle de vent atteignant 9,5 m/s à 100 mètres d’altitude, le facteur de charge dépasse 40 %, soit l’équivalent de plus de 3 500 heures de pleine puissance par an. Une seule éolienne de 8 MW pourrait alors générer jusqu’à 700 tonnes d’hydrogène vert par an — une quantité qui correspond à une réduction annuelle d’environ 50 000 tonnes de CO₂.
Cette production reste néanmoins largement sous-exploitée, le Maroc ayant jusqu’ici priorisé le solaire et l’éolien terrestre. L’étude intègre également les scénarios climatiques du projet CMIP6, avec trois trajectoires socio-économiques (SSP 2.6, 4.5, 8.5). Le scénario le plus sévère (SSP 8.5) anticipe même une augmentation de 8 % de la vitesse du vent à Dakhla d’ici 2081-2100, ce qui pourrait faire passer la production potentielle à 750 tonnes annuelles. À l’inverse, certaines zones du littoral pourraient connaître une baisse du vent, soulignant l’importance d’une planification territoriale précise et flexible.
Sur le plan technologique et industriel, cette étude fait écho à la Stratégie nationale de l’hydrogène du Maroc (2021), qui prévoit d’utiliser les infrastructures portuaires existantes, comme celle de Tanger, pour transformer l’hydrogène en ammoniac ou le liquéfier en vue de son exportation. Ce corridor énergétique intégré, combinant production éolienne, électrolyse, liquéfaction et logistique portuaire, pourrait ainsi faire du Maroc un acteur clé de l’approvisionnement européen en hydrogène propre.
Pour les chercheurs, ce travail ne se limite plus à un simple potentiel théorique. Il s’agit d’une base chiffrée, rigoureuse et prête à être adaptée à une échelle industrielle. Cette avancée offre une feuille de route concrète pour atteindre l’objectif marocain de quatre millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2050.
En outre, ce modèle innovant fournit aux pays du Sud, riches en vents côtiers et dotés d’infrastructures maritimes, un exemple reproductible fondé sur une synergie intelligente entre ressources naturelles, capacités industrielles et souveraineté énergétique.