Sous l’effet d’un cadre réglementaire renforcé, l’hôtellerie marocaine est sommée de verdir ses pratiques dès 2025. Finie la course effrénée au volume portée par le tourisme de masse : l’heure est à la transition durable, encadrée par une batterie de nouvelles normes et d’incitations fiscales.
En 2024, le Maroc a accueilli près de 17 millions de touristes, confirmant le poids stratégique du secteur. Mais cette performance masque une mutation profonde. Trois textes majeurs, entrés en vigueur entre janvier et juin 2025, redessinent les contours du modèle hôtelier, avec pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Trois piliers réglementaires pour une transformation accélérée
La loi 52-21, promulguée en janvier, impose une réduction de 20 % de la consommation énergétique d’ici 2030 pour les hôtels de plus de 50 chambres, et exige 30 % de mix énergétique issu du renouvelable. Chaque établissement devra en outre publier un bilan carbone certifié sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires.
Le décret 3.25-487, entré en vigueur en juin, durcit à son tour les exigences en matière de gestion des déchets : 70 % de recyclage obligatoire, interdiction des plastiques à usage unique, incitations à la valorisation des biodéchets, avec à la clé une réduction de 15 % sur la taxe de séjour pour les hôtels vertueux.
Enfin, une nouvelle certification nationale remplace le label Clef Verte. Elle impose des standards plus élevés en matière d’emploi local (80 %), de réutilisation des eaux grises et d’audit énergétique régulier. En contrepartie, les établissements labellisés bénéficient de financements verts et d’une meilleure visibilité à l’international.
Des exemples inspirants… mais un défi d’accessibilité
À Imlil, le Kasbah du Toubkal fonctionne déjà en autonomie complète grâce à un mix d’énergies renouvelables et de partenariats locaux. Résultat : empreinte carbone réduite de 45 %, réservations en hausse de 30 % et positionnement premium renforcé. À Essaouira, Le Jardin des Douars mise sur le circuit court, l’architecture bioclimatique et une gestion externalisée des déchets, générant des économies notables et une reconnaissance internationale.
Le gouvernement accompagne cette dynamique avec un arsenal d’aides : crédit d’impôt de 30 % pour les équipements solaires, subventions ADEREE, et un Fonds Vert de 500 millions de dirhams dédié au tourisme durable.
Une transition inégale selon la taille des établissements
Mais la marche reste haute pour les PME touristiques, majoritaires dans l’offre nationale. Avec des coûts estimés entre 1 et 3 millions de dirhams pour basculer vers un modèle vert, beaucoup peinent à suivre, d’autant plus en l’absence de compétences spécialisées en RSE ou ESG en dehors des grandes villes.
Le Maroc devra également faire face à une concurrence accrue en Afrique, alors que la Tunisie, le Cap-Vert ou encore le Sénégal accélèrent eux aussi sur le créneau du tourisme durable.
Entre obligation réglementaire et levier de compétitivité, la mutation verte du secteur hôtelier marocain est donc en marche, mais son succès dépendra de sa capacité à embarquer l’ensemble des acteurs, petits et grands, dans cette transformation stratégique.
Source: maroc-diplomatique.ma