En pleine dynamique de transformation, l’économie sociale et solidaire (ESS) s’impose progressivement comme un vecteur essentiel du développement inclusif au Maroc, portée par un écosystème d’acteurs engagés dans la création de richesses durables et équitables.
Ce modèle économique, dont l’atout majeur réside dans sa capacité à apporter des solutions concrètes et adaptées aux besoins locaux, confirme son potentiel en matière de création de valeur, tout en contribuant à renforcer les équilibres territoriaux et sociaux.
Qu’il s’agisse de coopératives, d’associations, de mutuelles ou d’entreprises sociales, ces organisations interviennent dans une grande diversité de secteurs, toujours au plus près des populations, et avec une forte dimension solidaire.
C’est ce qu’a affirmé le secrétaire d’Etat chargé de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire, Lahcen Essaadi, dans un entretien accordé à la MAP, notant que “ce qui fait la force de l’ESS, c’est justement cet ancrage territorial”.
“Les projets qui en émanent sont souvent conçus par les communautés elles-mêmes, en réponse à des besoins locaux très concrets”, a expliqué M. Essaadi.
Ces initiatives intègrent une dimension de renforcement des capacités, en contribuant au développement des compétences locales, et jouent un rôle clé dans l’autonomisation des femmes, notamment dans les zones où l’accès à l’emploi reste difficile, a-t-il noté, soulignant que le Maroc compte aujourd’hui 7.874 coopératives féminines, regroupant 72.910 adhérentes.
Une structuration croissante soutenue par l’Etat
À travers une série de programmes d’appui et de mécanismes d’accompagnement, le Maroc s’est employé activement à renforcer la structuration du secteur de l’ESS, son professionnalisme et son intégration dans l’économie formelle.
“Pour accompagner la montée en puissance de l’économie sociale et solidaire et en renforcer l’impact économique et social, nous avons mis en place plusieurs mécanismes d’appui qui s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale et du plan d’action que nous portons pour le développement de ce secteur”, a dit M. Essaadi.
Parmi les dispositifs phares, il a cité le programme Moazara qui contribue au financement de projets de développement portés par des associations, des réseaux d’associations et des coopératives.
Dans le cadre de ce programme, 577 projets ont été retenus à ce jour, dont près de 47% concernent le milieu rural, avec une forte approche genre (environ 58% des projets impliquent des femmes).
Et de soutenir : “Nous avons également lancé le programme Tahfiz-Niswa, spécifiquement dédié à l’autonomisation des femmes par l’entrepreneuriat en ESS. Ce programme vise à accompagner des porteuses de projets identifiées dans des régions ciblées, en renforçant leurs capacités organisationnelles, techniques et managériales, tout en valorisant leurs produits et services. L’objectif est aussi de faciliter leur intégration dans un écosystème socio-économique professionnel propice à leur développement”.
Sur le volet commercialisation, M. Essaadi a rappelé l’organisation de huit salons nationaux ayant réuni 3.231 organisations de l’ESS et de trente-deux salons régionaux ayant mobilisé 4.978 structures, ainsi que la mise en place de cinquante-quatre marchés itinérants, avec la participation de 3.568 organisations.
Ces plateformes permettent non seulement de dynamiser les ventes, mais aussi de renforcer la visibilité des produits et savoir-faire de nos acteurs locaux, a indiqué le secrétaire d’Etat.
L’intégration dans la commande publique, un enjeu stratégique
Par ailleurs, l’un des défis majeurs pour l’ESS consiste à dépasser le stade de l’économie de niche pour s’intégrer pleinement dans les circuits économiques classiques.
“L’intégration de l’économie sociale et solidaire dans la commande publique est en effet un levier stratégique pour renforcer son ancrage économique. Le Maroc a déjà entrepris plusieurs réformes concrètes en ce sens, afin de faciliter l’accès des coopératives aux marchés publics”, a relevé M. Essaadi.
Sur le plan législatif, l’article 9 de la loi 112-12 relative aux coopératives stipule que l’immatriculation au registre local permet à ces dernières de soumissionner aux appels d’offres publics, a rappelé.
Il a estimé que cette reconnaissance juridique constitue une première étape importante, ajoutant que l’évolution la plus significative reste l’introduction de la notion de préférence nationale dans le décret n° 2.19.69 relatif aux marchés publics qui inclut explicitement les coopératives parmi les bénéficiaires de cette préférence, au même titre que les petites et moyennes entreprises.
“Concrètement, plusieurs mécanismes ont été mis en place. Une part du potentiel annuel des marchés publics est désormais réservée aux coopératives. En cas d’égalité entre deux offres, c’est celle de la coopérative qui est privilégiée. Les maîtres d’ouvrage ont également l’obligation de publier, à la fin de chaque exercice, la liste des commandes attribuées à ces entités. Les marchés peuvent aussi être divisés en lots, afin d’en faciliter l’accès aux structures de taille modeste, comme les coopératives”, a détaillé M. Essaadi.
Le secrétaire d’Etat a, en outre, évoqué la mesure imposant à un adjudicataire étranger, ayant remporter le marché, de confier, en cas de sous-traitance, une partie de l’exécution à une coopérative ou à un auto-entrepreneur local, ainsi que celle réservant un quota de 30% du montant prévisionnel annuel des marchés publics aux très petites, petites et moyennes entreprises, y compris les coopératives.
D’après lui, ces réformes ouvrent la voie à une participation plus équitable des structures de l’ESS à la commande publique, et contribuent à faire de ce secteur un acteur à part entière du développement économique national.
Force est de constater que l’économie sociale et solidaire est en passe de franchir un cap décisif au Maroc. La dynamique en cours, caractérisée par la montée en puissance des coopératives, de la féminisation du tissu solidaire et de l’ouverture progressive vers les marchés publics, reflète clairement l’ambition de faire de ce secteur un véritable levier de développement économique et social.
Et c’est dans cette perspective que les prochaines Assises nationales de l’économie sociale et solidaire, qui seront organisées les 17 et 18 juin à Benguérir, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s’annoncent comme un moment clé.
En rassemblant les parties prenantes autour des chantiers structurants en cours, la 5ème édition de ces Assises a pour but de renforcer la visibilité du secteur, de favoriser le partage d’expériences et d’ancrer davantage l’ESS dans les politiques publiques nationales.
MAP