À Bouknadel, la colère monte d’un cran. Plus de 400 familles ont signé une pétition pour dénoncer le lancement jugé précipité et opaque des travaux d’une station de dessalement d’eau de mer, à quelques encablures de leur quartier résidentiel. Située dans la province de Salé, la zone visée abrite notamment le complexe Prestigia, connu pour sa tranquillité et sa qualité de vie, aujourd’hui menacées par ce projet d’envergure.
Un chantier lancé sans concertation
C’est la manière, plus encore que le fond, qui suscite l’indignation. Selon les résidents, les travaux ont débuté sans qu’aucune concertation ne soit engagée ni aucune information officielle diffusée. Pas d’étude d’impact environnemental rendue publique, pas d’audition des riverains, pas même un panneau de chantier affichant clairement les caractéristiques de l’opération. Pour les habitants, ce manque de transparence est perçu comme une forme de mépris institutionnel.
Dans la pétition adressée au gouverneur de la province, les signataires réclament soit la suspension immédiate des travaux, soit l’ouverture d’un dialogue sérieux avec l’ensemble des parties concernées, y compris les représentants du quartier, les autorités locales et les porteurs du projet.
Une implantation jugée incohérente
Au-delà des vices de forme, c’est le choix même de l’implantation qui interroge. Écoles, parcs, infrastructures sportives : le périmètre abrite un tissu urbain dense, bâti pour un usage résidentiel de standing. « Construire une station de dessalement à cet endroit relève d’une faute urbanistique grave », estime un habitant. Les nuisances sonores, la circulation de poids lourds et les vibrations liées aux travaux font craindre une détérioration rapide du cadre de vie.
Une alerte environnementale ignorée ?
Le projet ne manque pas non plus de susciter des inquiétudes sur le plan écologique. Plusieurs associations locales tirent la sonnette d’alarme : les stations de dessalement, mal encadrées, peuvent entraîner le rejet de saumures hautement salées dans les sols et les nappes phréatiques, menaçant ainsi les équilibres fragiles du littoral. « Sans dispositif de contrôle rigoureux, les conséquences sur l’écosystème côtier pourraient être irréversibles », prévient l’un des militants écologistes.
Un développement durable… mais à quel prix ?
Le recours au dessalement de l’eau de mer s’inscrit dans la stratégie nationale de sécurisation des ressources hydriques face au stress hydrique croissant. Mais pour les habitants de Bouknadel, l’urgence de la transition climatique ne doit pas servir de prétexte à des décisions prises sans concertation ni garanties environnementales. La pilule passe d’autant plus mal que l’ouvrage semble imposé sans cadre de gouvernance clair, dans une logique verticale peu compatible avec les standards modernes d’aménagement durable.
Ce bras de fer entre riverains et autorités locales pourrait bien devenir un test grandeur nature pour la conduite participative des projets hydrauliques à venir. Le Maroc, en quête de solutions innovantes pour répondre à la crise de l’eau, devra veiller à ne pas générer de nouvelles fractures environnementales et sociales dans sa marche vers la résilience.
Avec Al Akhbar