À Belém, où la COP30 se déroule dans un contexte de forte pression pour concrétiser les engagements climatiques, le Maroc défend une vision structurée autour d’un financement international repensé et d’une transition ancrée dans les territoires. Dans un entretien accordé à MAP-Brésil, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, détaille les priorités marocaines et les orientations portées dans le cadre de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN 3.0).
Elle rappelle que le Royaume aborde cette conférence avec la volonté d’accélérer la mise en œuvre des engagements climatiques. Fort de plus de trois décennies d’expérience dans les politiques environnementales, le Maroc entend jouer un rôle moteur dans le processus multilatéral. Sur le volet financier, le pays plaide pour un système plus équilibré, articulé autour de la « feuille de route Bakou-Belém », qui vise un objectif global de 1.300 milliards de dollars par an. La ministre insiste sur la nécessité d’un partage équitable entre atténuation, adaptation et pertes et préjudices, avec un appui renforcé à l’adaptation, priorité des nations africaines.
Elle souligne également l’importance d’une mise en œuvre rapide de cette feuille de route et l’adoption d’indicateurs permettant de suivre les progrès réalisés vers l’objectif mondial d’adaptation.
La CDN 3.0, soumise avant la COP, confirme la continuité de la stratégie marocaine guidée par la vision royale. Elle vise une réduction de 53 % des émissions à l’horizon 2035, combinant efforts inconditionnels et actions dépendant de soutiens internationaux. La ministre met en avant deux innovations : l’intégration d’un indicateur de coût d’abattement par secteur, qui mesure les rendements réels des investissements, et un modèle reliant les financements aux projets d’adaptation territoriale, en cohérence avec les transitions énergétique, minière et industrielle. Elle estime que cette approche pourrait enrichir le deuxième Bilan mondial prévu pour 2028.
Sur le plan géopolitique, le Maroc renforce les partenariats africains, arabes et atlantiques, en s’appuyant sur la vision royale pour structurer une dynamique régionale stable et intégrée. Les interconnexions électriques avec la Mauritanie et l’Europe, ainsi que les corridors logistiques portés par l’Initiative atlantique, constituent des priorités. Le pays travaille aussi à mobiliser davantage de financements climatiques via le Fonds vert et d’autres mécanismes. Avec la Suisse ou la Norvège, des projets liés au marché carbone et aux technologies vertes prennent forme.
Le Maroc agit ainsi sur plusieurs axes à la fois, entre coopération Nord-Sud et partenariats Sud-Sud, dans un contexte international marqué par la reconfiguration des chaînes de valeur.
Sur la transition énergétique, la ministre rappelle que la stratégie lancée en 2009 repose sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’intégration régionale. Les capacités actuelles en énergies vertes atteignent 5,6 GW, soit 46 % du total national, avec l’objectif de dépasser 52 % en 2030. Pour la période 2025-2030, plus de 15 GW supplémentaires sont programmés, représentant un investissement d’environ 120 milliards de dirhams, largement orienté vers les sources renouvelables.
Leila Benali évoque une phase d’accélération, marquée par le développement des projets solaires et éoliens, l’essor de l’hydrogène vert et la construction d’un écosystème industriel fondé sur la recherche, l’innovation et la digitalisation. Deux leviers structurent cette dynamique : l’effet d’échelle, qui permet de réduire les coûts, et une gouvernance modernisée. Depuis 2021, une série de réformes et de décrets ont été adoptés pour soutenir l’autoproduction, les énergies renouvelables et d’autres domaines essentiels, avec pour objectif de renforcer le modèle tout en allégeant les coûts pour les consommateurs.


