Selon le Greenplexity Index publié par le think tank The Growth Lab de l’Université de Harvard, le Maroc et la Tunisie se distinguent comme les pays africains les plus compétitifs dans les chaînes de valeur vertes. Si le Royaume dispose d’un fort potentiel énergétique et industriel, son voisin tunisien le devance grâce à une gouvernance plus cohérente et une mise en œuvre plus efficace des réformes liées à la transition énergétique, souligne le magazine Challenge.
L’indice évalue la capacité de 145 pays à participer aux secteurs liés à la transition énergétique mondiale, en analysant la diversité et la sophistication des exportations associées aux technologies vertes, aux minerais critiques et aux intrants pour la décarbonation. Sur le plan mondial, le Maroc se classe 58ᵉ, juste derrière la Tunisie, et occupe la 2ᵉ place en Afrique, devant des pays comme l’Égypte, Maurice, l’Afrique du Sud ou le Burkina Faso. À l’échelle internationale, le Japon, l’Allemagne, la République tchèque, la France et la Chine arrivent en tête.
Pour Ricardo Hausmann, directeur du Growth Lab, ce classement traduit la capacité des pays à croître dans un monde en voie de décarbonation, en maîtrisant non seulement la production d’énergie propre, mais aussi l’ensemble des activités économiques qui soutiennent la transition : conception de technologies, fabrication d’équipements, traitement des minerais stratégiques, et innovation dans les matériaux et procédés.
Le contraste avec la Tunisie surprend, alors que le Maroc produit près de 24 % de son électricité à partir de sources renouvelables, contre 3 % pour la Tunisie. L’expert marocain Saïd Guemara explique ce paradoxe : « Le Greenplexity Index ne mesure pas la quantité d’énergie verte produite, mais la capacité d’un pays à réussir sa transition énergétique. Sur ce plan, la Tunisie se distingue par la clarté de son cadre réglementaire et la cohérence de sa gouvernance ».
La Tunisie bénéficie d’un arsenal juridique opérationnel : lois sur l’autoproduction appliquées, décrets publiés, appels d’offres transparents et tarifs de rachat définis. Son programme national d’efficacité énergétique a produit des résultats concrets depuis plus de dix ans, et un réseau électrique intelligent se déploie progressivement avec cinq millions de compteurs connectés.
Le Maroc, malgré un potentiel solaire et éolien important, pâtit d’une gouvernance fragmentée et d’une complexité administrative qui ralentissent l’application des réformes. Les textes législatifs manquent souvent de décrets d’application, et les compétences se chevauchent entre organismes comme l’ONEE, MASEN, ANRE et les distributeurs régionaux, limitant la lisibilité et l’émergence d’un écosystème industriel vert intégré.
Cette analyse est confirmée par le World Economic Forum dans son Energy Transition Index 2025 : la Tunisie y occupe la 64ᵉ place, tandis que le Maroc se situe à la 70ᵉ, mettant en avant la cohérence institutionnelle, la clarté réglementaire et l’efficacité des politiques publiques, au-delà des seuls indicateurs de production énergétique.


