Face à la hausse continue du coût de l’électricité, le Maroc se tourne vers une solution qui pourrait bien transformer durablement son paysage énergétique : l’autoproduction, notamment solaire. Un levier stratégique à fort potentiel, mais dont le développement reste freiné par des lenteurs réglementaires et des obstacles économiques.
Adoptée en 2023, la loi 82-21 devait donner un véritable coup d’accélérateur à la production décentralisée d’électricité. Elle offrait un cadre clair permettant aux ménages, aux PME et aux industriels de produire et consommer leur propre énergie. Pourtant, plus d’un an après, les décrets d’application se font encore attendre, limitant la portée de la réforme. Le Conseil de la concurrence s’en est d’ailleurs alarmé, soulignant qu’un outil capable de réduire significativement le coût du kilowattheure — estimé à terme à 0,6 dirham contre 0,9 actuellement — restait sous-utilisé.
Consciente de l’urgence, la tutelle a promis pour cette année la publication de quatre décrets d’application. Ces textes préciseront les règles relatives à l’installation, au raccordement, au stockage ou encore à la revente de l’électricité excédentaire. Parmi les mesures phares figure la réduction du seuil autorisé pour les industriels, qui passerait de 20 MW à 5 MW, ouvrant la voie à une implication accrue des PME.
« En abaissant le seuil, des centaines d’entreprises pourront produire une partie de leur électricité et améliorer leur compétitivité », souligne Anas El Bouyousfi, PDG d’Isolbox, cité par Finances News Hebdo. Le dispositif prévoit également d’étendre cette dynamique aux particuliers, dont les petites installations photovoltaïques peuvent déjà réduire sensiblement la facture, surtout durant les heures de forte consommation diurne.
Mais malgré la baisse du coût des équipements et un ensoleillement quasi illimité, plusieurs freins demeurent. Les incitations restent timides, les plafonds de puissance jugés trop restrictifs, et la rémunération de l’électricité réinjectée dans le réseau insuffisante : seuls 20 % des excédents sont aujourd’hui rachetés, alors que certaines installations pourraient en fournir jusqu’à 60 %. « Cela revient à faire perdre aux auto-producteurs une part considérable de leur production », regrette l’expert en énergie Saïd Guemra.
Pour libérer ce potentiel, le Conseil de la concurrence appelle à une stratégie nationale plus audacieuse : simplifier les démarches administratives, lever les plafonds de revente, renforcer le stockage et soutenir la création d’une filière industrielle locale — de la fabrication de panneaux au recyclage des batteries.
Comme le souligne El Bouyousfi, développer un écosystème solaire marocain permettrait non seulement de réduire la dépendance aux importations, mais aussi de stabiliser les prix et d’accroître la résilience du réseau électrique. Une ambition en parfaite cohérence avec les objectifs du Royaume, qui vise à concilier souveraineté énergétique, compétitivité économique et durabilité environnementale.
L’autoproduction électrique n’est plus une option technologique : c’est un pilier stratégique. Encore faut-il lever les blocages pour en faire un véritable moteur de la transition énergétique marocaine.