Dans les hauteurs de la province de Taounate, une crise silencieuse frappe les habitants : les sources d’eau potable s’assèchent à un rythme inquiétant, mettant en péril la vie quotidienne, l’agriculture et l’élevage. En cause, selon plusieurs témoignages et élus locaux : l’exploitation anarchique des ressources hydriques par les producteurs de cannabis, notamment dans la commune de Tbouda.
Un accaparement au détriment des besoins vitaux
Alors que les températures dépassent régulièrement les 40°C, de nombreux douars n’ont accès à l’eau potable que pendant deux heures par jour, via des réservoirs publics qui se vident rapidement. L’oued Aoudor, principal point d’approvisionnement de la région, est désormais à sec. Les cultures de kif, elles, continuent de s’étendre, alimentées par des pompes puissantes, souvent dissimulées, fonctionnant en continu, au détriment des habitants.
Mfadel Ghaidouni, conseiller communal, dénonce une situation devenue insupportable : « La commune ne bénéficie même pas du programme national d’approvisionnement en eau potable en milieu rural, et nos ressources sont détournées sous nos yeux. »
Une exploitation illégale, tolérée par les autorités ?
Creusement illégal de puits dans les lits des oueds, pompages non autorisés, usage de bulldozers pour accéder aux nappes phréatiques… les pratiques sont connues, visibles et dénoncées. Pourtant, l’absence de réaction des autorités alimente un sentiment d’abandon, voire de complicité implicite.
« Ce détournement manifeste d’un bien commun met à mal le principe de justice sociale, alors même que l’accès à l’eau est un droit fondamental », souligne le journal Assabah. Les images de files d’attente devant les fontaines publiques, ou de femmes et d’enfants parcourant des kilomètres pour remplir quelques bidons, deviennent monnaie courante.
Une loi encadrant le cannabis… mais sans effet
Le Maroc a adopté une loi visant à légaliser et encadrer la culture du cannabis à des fins médicales et industrielles. Mais sur le terrain, cette réglementation semble avoir été détournée : des pratiques prédatrices et informelles persistent, profitant du flou, voire d’un laxisme local.
Au lieu d’encadrer, la loi semble avoir facilité, dans certains cas, l’intensification illégale de la production, souvent réalisée par des acteurs qui ne respectent ni les quotas ni les méthodes durables prévues par le nouveau cadre réglementaire.
Une menace pour l’équilibre socio-économique
À Tbouda, l’économie locale repose encore largement sur l’élevage. Or, sans eau pour abreuver les bêtes, cette activité est menacée d’effondrement. À cela s’ajoutent les tensions sociales croissantes entre cultivateurs et riverains, alimentées par le sentiment d’injustice et d’impuissance face à la pénurie d’un bien aussi vital.
La situation, si elle perdure, risque de provoquer un exode rural, voire des troubles sociaux, dans une région déjà marquée par les difficultés économiques.
Un signal d’alarme pour la gestion des ressources
L’affaire de Tbouda illustre les limites criantes de la gestion actuelle des ressources hydriques au Maroc, dans un contexte de stress hydrique national de plus en plus aigu. Il ne s’agit plus seulement de pénurie, mais d’un détournement structurel des priorités, où les besoins essentiels des populations sont sacrifiés au profit de cultures lucratives, mais insoutenables.
Urgence sociale, urgence écologique : les autorités sont interpellées. La population, elle, attend des mesures concrètes.
Avec Assabah