Face à l’urgence climatique et à la multiplication des tensions hydriques, la Commission européenne lance une nouvelle stratégie pour renforcer la résilience de l’Union face aux crises de l’eau. L’objectif affiché : inciter les États membres à réduire collectivement leur consommation d’eau d’au moins 10 % d’ici à 2030.
Ce cap, bien que non contraignant, marque un changement de ton. L’exécutif européen rappelle que l’UE est désormais la région du globe où le réchauffement s’accélère le plus. En 2022, les sécheresses ont causé près de 40 milliards d’euros de pertes économiques. Et entre 1980 et 2023, les inondations ont coûté plus de 325 milliards d’euros. Dans un tel contexte, « l’eau ne peut plus être considérée comme une ressource acquise », alerte la Commission.
Les chiffres de la pénurie sont eux aussi préoccupants : 30 % des terres européennes sont touchées chaque année par le manque d’eau. En dix ans, le nombre d’Européens concernés par des restrictions a presque doublé. L’insécurité hydrique est désormais identifiée comme une menace majeure pour l’économie de la zone euro.
Concrètement, la stratégie mise sur une coopération étroite avec les Vingt-Sept pour définir une méthode commune de calcul des économies d’eau, tout en laissant une marge d’adaptation aux spécificités locales. « Il s’agit d’un objectif indicatif, pas d’une obligation », a précisé Jessika Roswall, commissaire européenne à l’Environnement.
L’accent est mis sur l’innovation, avec une volonté d’encourager les investissements publics et privés dans des solutions technologiques de rupture. Bruxelles annonce la création d’un « accélérateur d’investissement pour la résilience de l’eau », qui pilotera vingt projets pilotes. En parallèle, la Banque européenne d’investissement prévoit de mobiliser plus de 15 milliards d’euros entre 2025 et 2027 pour soutenir les projets liés à l’eau.
L’industrie n’échappe pas à l’appel à la sobriété. Les centres de données, en particulier, feront l’objet de normes minimales de performance intégrant leur consommation d’eau. Une première dans l’UE. Pour les autres secteurs — batteries, puces électroniques, hydrogène ou semi-conducteurs — la Commission appelle à une évaluation approfondie des besoins en eau et à des efforts accrus de réduction et de réutilisation.
Du côté agricole, qui représente à lui seul plus de la moitié de l’eau consommée dans l’Union, la stratégie reste prudente. Bruxelles mise principalement sur les leviers de la Politique agricole commune pour soutenir les pratiques plus économes, tout en promouvant la rétention d’eau dans les sols et la lutte contre la pollution diffuse.
Autre chantier prioritaire : l’état des infrastructures. Dans certains pays, jusqu’à 57 % de l’eau potable est perdue à cause de fuites dans les réseaux ! La Commission veut encourager les rénovations, mais sans fixer d’objectifs contraignants à ce stade.
Enfin, la pollution reste un sujet en arrière-plan. Si des partenariats publics-privés sont annoncés pour s’attaquer aux substances chimiques persistantes comme les PFAS, les mesures concrètes se font attendre. L’essentiel des efforts porte aujourd’hui sur la gestion quantitative plus que qualitative de la ressource.
Avec cette feuille de route, Bruxelles amorce une bascule vers une gestion plus préventive et résiliente de l’eau. Mais sans obligations claires, le succès de la stratégie dépendra largement de la mobilisation réelle des États membres et de l’engagement du secteur privé.
Avec les Echos