À l’heure où la raréfaction de l’eau devient une menace réelle, le Maroc choisit une réponse à la hauteur des enjeux : un partenariat public-privé (PPP) d’une ampleur inédite, mêlant dessalement massif, électrification propre et logistique hydraulique à grande échelle. Le tout porté par une méthodologie rigoureuse et résolument tournée vers l’avenir.
Signé le 19 mai 2025, l’accord scellé entre le Royaume et ses partenaires émiratis n’a rien d’un projet ordinaire. Il engage une véritable révolution structurelle en matière de gestion des ressources hydriques et énergétiques. Objectif affiché à l’horizon 2030 : produire chaque année 900 millions de mètres cubes d’eau dessalée, en transporter 800 millions via une “autoroute de l’eau”, et intégrer 1 200 MW d’énergies renouvelables à travers une ligne HVDC de 3 000 MW reliant Dakhla à Casablanca.
Une gouvernance claire et partagée
Ce projet repose d’abord sur un socle légal et organisationnel solide. C’est la loi 86-12 sur les contrats de partenariat public-privé qui encadre l’ensemble, assurant une répartition précise des rôles et des risques, dans un esprit de transparence et de performance. L’État, via l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), fixe le cadre réglementaire, garantit les achats d’eau et d’énergie, et attribue les concessions foncières nécessaires. Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement (FM6I) entre à hauteur de 15%, apportant une caution souveraine qui renforce la solidité financière de l’ensemble.
Le secteur privé en force de frappe
Côté privé, deux poids lourds industriels sont à la manœuvre : Taqa Morocco et Nareva, chacun détenant 42,5% du projet. Leur mission : piloter les études techniques, lever les financements, concevoir les avant-projets et accélérer la mise en œuvre grâce à leur agilité et à leur capacité d’innovation. Ce binôme, déjà rôdé par des expériences antérieures, permet une mutualisation efficace des risques et un accès facilité aux capitaux internationaux.
L’un des avantages majeurs de cette méthodologie est le gain de temps : là où un projet 100% public aurait exigé de longues années d’instruction, le PPP permet un lancement opérationnel prévu dès 2028, avec un raccourcissement des délais estimé à deux ans.
Une vision qui s’inscrit dans le temps long
Le Maroc ne part pas de zéro. Ce nouveau méga-projet s’inscrit dans la continuité d’un modèle éprouvé, à l’image de la centrale thermique de Safi – livrée en 2017 grâce à une alliance entre Nareva, Engie et Mitsui – ou encore du programme de relance de la centrale à gaz de Tahaddart, aujourd’hui repris par le trio Taqa-Nareva-FM6I avec une enveloppe d’un milliard de dollars. Des précédents qui ont démontré la capacité du PPP à mobiliser des financements lourds et à transférer des compétences vers l’écosystème local.
Une dynamique économique et sociale tangible
Le chantier est porteur d’une véritable dynamique industrielle. Plus de 25 000 emplois sont attendus, dont 10 000 pérennes. Un tissu de PME marocaines spécialisées dans la maintenance, les études ou la formation professionnelle est en train de se structurer autour des métiers du dessalement, de l’hydraulique, de l’électricité et du solaire. Pour Reda Hamedoun, vice-président exécutif de Nareva, le projet incarne un levier de développement territorial, de transfert de savoir-faire et de cohésion sociale. Son homologue de Taqa Morocco, Abdelmajid Iraqui Houssaini, parle d’un « partenariat de transformation durable du paysage énergétique et hydrique national ».
Une méthodologie à répliquer
Au-delà du projet lui-même, c’est la démarche qui fait école. Ce modèle méthodologique, fondé sur une coopération étroite entre institutions publiques et champions privés, pourrait devenir la matrice des grands chantiers stratégiques à venir : stockage d’énergie à Ouarzazate, réseaux de transport décarbonés, infrastructures d’Agadir ou Dakhla… Un véritable changement de paradigme est en marche.
Dans un monde en tension hydrique, le Maroc trace sa route avec méthode, pragmatisme et ambition. Un modèle à suivre.
Avec Finances News