Le Maroc franchit un nouveau cap en matière de réglementation environnementale. Pour la première fois, le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable édicte un arsenal de seuils contraignants visant à encadrer les rejets atmosphériques des industries chimiques les plus polluantes du pays. Trois sous-secteurs sont concernés : les unités produisant l’acide phosphorique, l’acide sulfurique et les engrais azotés et phosphatés.
Une réglementation différenciée selon l’ancienneté des unités
Les textes, fondés sur le décret n°2.09.631 du 6 juillet 2010, introduisent des plafonds d’émission stricts, adaptés à la technologie et à la date de mise en service des installations. Ainsi, pour le fluorure d’hydrogène (HF), les unités antérieures à 2015 disposent d’une tolérance allant jusqu’à 10 mg/Nm³, tandis que les plus récentes sont limitées à 5 mg/Nm³. Même logique pour les poussières (100 mg/Nm³ contre 50 mg/Nm³) ou l’ammoniac (60 mg/Nm³ contre 50 mg/Nm³), selon l’ancienneté des sites industriels.
Les seuils sont calculés dans des conditions de référence précises (température de 273 K, pression de 1013 hPa et teneur en oxygène de 20 % après déduction de la vapeur d’eau), garantissant l’uniformité des contrôles.
Un dispositif de contrôle renforcé et permanent
La conformité aux normes ne se limite pas à un seuil ponctuel : les industriels devront désormais démontrer que 95 % des mesures horaires ou journalières sur une année respectent les limites fixées, tandis que les moyennes mensuelles ou annuelles devront, elles, s’inscrire à 100 % dans les clous. Les nouvelles règles imposent la mise en place de systèmes de surveillance continue, internes aux unités, avec des protocoles méthodologiques stricts.
Le dioxyde de soufre (SO₂), notamment issu de la production d’acide sulfurique, se voit également encadré : les émissions sont plafonnées à 500 mg/Nm³ pour les unités récentes, et peuvent atteindre 3 000 mg/Nm³ dans le cas d’installations plus anciennes, selon la technique d’absorption utilisée. L’hydrogène sulfuré (H₂S), lui, ne doit pas dépasser 5 mg/Nm³ dans les unités modernes, contre 10 mg/Nm³ dans les plus anciennes.
Un tournant réglementaire pour l’industrie chimique marocaine
Le ministère insiste sur le fait que ces prescriptions s’appuient sur les meilleures techniques disponibles, dans une volonté claire de prévenir les nuisances environnementales et sanitaires. « Ce dispositif permettra aux autorités d’assurer un suivi autonome et rigoureux des émissions industrielles, en complément des contrôles inopinés des services de l’État », précise la ministre Leïla Benali dans sa note de présentation.
À travers cette série de décisions, le Maroc affirme sa volonté de hisser ses standards environnementaux à la hauteur des enjeux climatiques et sanitaires. Publiées prochainement au Bulletin officiel, ces normes pourraient marquer un tournant décisif dans la transformation écologique de l’appareil industriel national.
Avec Barlamane