Le mix électrique africain affiche de grandes disparités en 2024, avec d’un côté le Kenya, leader incontesté avec 90% de son électricité issue de sources renouvelables, et de l’autre l’Algérie, qui peine à dépasser 1%. Entre ambitions écologiques et dépendance aux énergies fossiles, les stratégies diffèrent selon les pays. Décryptage des tendances et des défis à relever.
Kenya (90%) : un modèle de transition réussie
Grâce à une exploitation massive de la géothermie (41% du mix), ainsi que de l’hydroélectricité, du solaire et de l’éolien, le Kenya s’impose comme un exemple à suivre en matière de transition énergétique. Le pays continue d’investir, avec le projet Menengai qui ajoutera 465 MW d’ici 2025.
Toutefois, des défis structurels subsistent : pertes techniques importantes (23%), vandalisme des infrastructures et retards dans le nucléaire (première centrale prévue en 2034). Malgré cela, l’AIE salue le modèle kényan qui prouve qu’une transition bas-carbone est possible en Afrique.
Maroc (24%) : une transition prometteuse mais ralentie
Avec 24% de son électricité issue des renouvelables, le Maroc occupe la deuxième place parmi les pays africains étudiés. Porté par une croissance du solaire photovoltaïque (+57% par an) et des projets phares comme Noor Ouarzazate, le royaume ambitionne d’atteindre 52% d’énergies renouvelables d’ici 2030.
Cependant, 60% de l’électricité provient encore du charbon, tandis que les sécheresses obligent le pays à investir dans des usines de dessalement énergivores. La transition repose donc sur le stockage par batteries et une modernisation du réseau électrique. L’enjeu est de taille : conjuguer compétitivité industrielle et résilience climatique.
Nigeria (23%) : potentiel énorme mais défis structurels
Avec 23% de renouvelables, principalement issus de l’hydroélectricité, le Nigeria est en troisième position. Malgré un important potentiel solaire, le pays est encore largement dépendant du gaz naturel (77%), ce qui ralentit sa transition.
Des initiatives comme les 1,26 GW de mini-réseaux solaires en zones rurales sont encourageantes, mais 60% de la population reste sans accès stable à l’électricité. La loi sur l’électricité 2023, qui vise une libéralisation du secteur, pourrait améliorer la situation, à condition d’une modernisation des infrastructures.
Afrique du Sud (10%) : le charbon en obstacle majeur
Dominée par le charbon (80%), l’Afrique du Sud peine à accélérer sa transition énergétique. Les renouvelables représentent à peine 10% du mix, malgré l’ajout de 4,4 GW de solaire et d’éolien en 2024.
Cependant, des obstacles persistent : coupures d’électricité fréquentes, manque de modernisation du réseau et blocages politiques. Malgré des projets de stockage d’énergie (4 GW de batteries), la stratégie gouvernementale continue de privilégier le gaz et le charbon, repoussant ainsi la décarbonation du secteur.
Sénégal (15%) : entre ambitions et dépendance au gaz
Avec 15% de renouvelables, le Sénégal tente d’accélérer sa transition, notamment avec la centrale solaire de Bokhol et un objectif de 40% d’ici 2030.
Toutefois, le pays reste largement dépendant du fioul (85%) et mise sur le gaz offshore, notamment avec les centrales de Cap des Biches (120 MW) et Saint-Louis (255 MW). La suppression progressive des subventions à l’énergie et le développement de micro-réseaux solaires pourraient améliorer la situation, mais l’accès à l’électricité reste un défi pour 38% de la population rurale.
Égypte (5%) : ambitions nucléaires et hydrogène vert, mais dépendance aux fossiles
Avec seulement 5% de renouvelables, l’Égypte peine à réduire sa dépendance au gaz naturel, malgré des parcs solaires comme Benban. Le pays mise sur le nucléaire (4,8 GW à El Dabaa) et l’hydrogène vert, mais ces solutions restent à long terme.
Entre pénuries de gaz, blackouts fréquents et importation de GNL, l’Égypte retarde l’essor des renouvelables. La récente hausse de 50% des tarifs de l’électricité illustre le dilemme : comment financer la transition tout en évitant une crise sociale ?
Algérie (1%) : une transition au point mort
Avec seulement 1% d’énergies renouvelables, l’Algérie est en queue de peloton. Malgré un potentiel solaire exceptionnel (plus de 3.000 heures d’ensoleillement par an), le pays dépend à 99% du gaz naturel.
Le projet solaire de 3 GW, lancé avec Sonatrach et Eni, reste marginal face aux exportations gazières et aux subventions massives (40% du budget national) qui freinent l’innovation.
Face à une demande record (19 GW en 2024) et un déclin de la production gazière (-4% depuis 2022), l’Algérie devra choisir : poursuivre sa rente fossile ou investir massivement dans les énergies renouvelables.
Conclusion : un continent à plusieurs vitesses
Si certains pays comme le Kenya et le Maroc avancent sur la voie des énergies renouvelables, d’autres comme l’Algérie et l’Afrique du Sud restent encore fortement dépendants aux fossiles.
La transition énergétique en Afrique dépendra de plusieurs facteurs :
✅ Investissements dans les infrastructures électriques
✅ Réformes pour libéraliser le marché de l’énergie
✅ Accès à des financements internationaux
✅ Sensibilisation des populations et lutte contre les subventions aux énergies fossiles
L’avenir du mix énergétique africain dépendra de la capacité des États à équilibrer développement économique et transition verte.
Avec LesEco